Menu
Libération

Débandade à la «Maison close»

par Raphaël GARRIGOS et Isabelle ROBERTS
publié le 5 octobre 2010 à 9h37

Maison close n’est pas une série faux cul. Dès la deuxième seconde de la nouvelle production de Canal +, bam, un lit bringuebale, sur lequel un homme nu à casquette de général tringle furieusement une catin pas plus enjouée que ça. Une métaphore, peut-être, de la jolie Commune de Paris que les troupes versaillaises viennent de pilonner un mois plus tôt. Mais en fait, on est au Paradis.

C'est le nom de ce claque de luxe parisien de 1871 où se déroulent les huit épisodes de  Maison close . Il y a les putes -- les dessalées et les incorrigibles romantiques --, la maquasse lesbienne qui attend de ses filles «charme, endurance et intelligence» , les clients salauds et amoureux et, sourdant au travers des lourds rideaux cramoisis du bordel, le massacre des communards qui plane. Y a pas à dire, c'est beau. Pour sa première série originale en costumes, Canal + a sorti les pépettes (12 millions d'euros) et ça se voit. Le générique somptueux dont la musique vous emmène au cinquante-six, sept, huit, peu importe mais en tout cas à l'Hôtel particulier de Gainsbourg période Melody Nelson . Les costumes d'époque, les décors patinés au petit poil, la lumière à la Rembrandt. Les acteurs, tout en trognes, les actrices pour la plupart au cordeau -- en tête, Anne Charrier dans le rôle de Véra, préretraitée de la fesse. La caméra qui danse dans les étages du Chabanais -- un palais lisboète a servi au tournage -- comme dans la scène d'ouverture du Casino de Scorsese, Canal + nous en met plein la vue.

Bon d’accord, mais est-ce qu’un tel écrin nous fait une série, et tant qu’à faire une bonne ? Heum. On regarde. C’est joli. On bâille. Un peu. Puis beaucoup. Puis énormément. Oui, là c’est sûr, on s’ennuie. Et sec encore.

L’intrigue, qui hésite entre roman-feuilleton et reconstitution d’époque, se distend, se relâche : il y a l’histoire de la pucelle qui recherche sa mère, celle de la mafia communarde à qui la mère-maquerelle doit de l’argent, celle du meurtre du protecteur de Véra, mais aucune ne tient la route ni le téléspectateur en haleine. Au final, on assiste à une succession de tableaux très léchés mais sans grand intérêt.

Pour tenter de relever la sauce, le réalisateur Mabrouk El Mechri ( JCVD avec Jean-Claude Van Damme) a la main lourde sur les épices : scènes de cul assez crues, langage moderne et musique -- The Troggs notamment -- qui ne l'est pas moins. Niveau ambition, ça louche sévère vers le Marie-Antoinette de Sofia Coppola arrosé de New Order et de Strokes, mais au résultat, on est plutôt dans un clip de Mylène Farmer éclairé à la bougie.

Paru dans Libération du 4 octobre 2010

Maison close de Mabrouk El Mechri, Canal +

Lire les réactions à cet article.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique