Critique

Déments «Psychonauts»

Une brillante plongée en 3D au coeur de la folie ordinaire.
par Pierre GAULTIER
publié le 8 juillet 2006 à 21h52

«Les écureuils décident de qui doit vivre ou mourir, et des résultats de tous les matchs de foot», affirme fiévreusement un personnage parano de Psychonauts, dans l'une des dizaines de répliques obsédantes dont il submerge le joueur. L'effet comique est puissant, la sensation d'entrer dans l'univers d'un authentique aliéné ne l'est pas moins. Ce talent pour manier les mots, Tim Schafer, l'auteur de Psychonauts, l'a déjà démontré. Il a donné au jeu d'aventure deux de ses chefs-d'oeuvre, Day of the Tentacle et Grim Fandango, marqués par un goût pour l'absurde, l'humour macabre, le folklore, la SF ou le film noir.

Avec Psychonauts, il s'attaque au registre populaire du jeu de plateforme en 3D. «Que se passe-t-il dans la tête de ce dingue qui se parle à lui-même dans la rue, ou de cet ami qui pense que le monde entier tourne autour de lui ? L'idée du jeu vient de là», explique Schafer. Chacun des dix niveaux de Psychonauts symbolise ainsi la psyché d'un personnage. Tous les aspects du jeu traduisent cette ambition : l'atmosphère, les habitants, et surtout l'architecture. A l'exception des Mario, des Zelda ou des Katamari Damacy, séries que Shafer admire, très peu de jeux ont exploité la plasticité de la 3D. Psychonauts le fait brillamment : une ville vertigineuse aux rues tordues figure l'esprit d'un fou, un cube uniforme, celui d'un homme très rationnel et organisé, un champ de bataille morcelé, celui d'un militaire dérangé... Psychonauts donne même un nouveau sens aux conventions du genre. On ramasse des «bagages émotionnels», on nettoie des «toiles mentales», on combat ses «démons personnels»... Bigarré, empreint d'une poésie inquiètante à la Burton, Psychonauts explore certaines des possibilités infinies qu'offre encore la grammaire, désormais assez stable, du jeu vidéo.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique

Les plus lus