Des «Moissons du futur» sans contrechamp

par Eliane Patriarca
publié le 19 octobre 2012 à 16h04
(mis à jour le 19 octobre 2012 à 16h05)

Près de 900 millions de personnes dans le monde ne mangent pas à leur faim, selon le dernier rapport de la FAO, l'organisation de l'ONU pour l'alimentation. Toutes les cinq secondes, un enfant de moins de 10 ans meurt de faim. Un fléau que, selon leurs défenseurs, seule l'utilisation des OGM et des pesticides peut enrayer. «Si on fait des produits absolument sans pesticides aujourd'hui, c'est 40% de production en moins, 50% de coûts en plus» , prévient Jean-René Buisson, le président de l'Association nationale des industries alimentaires (Ania).

C'est cette doxa martelée qui a incité Marie-Monique Robin, l'auteure du Monde selon Monsanto (2008) et de Notre Poison quotidien (2010) à aller voir si, réellement, on ne peut pas faire autrement. A l'origine du documentaire de ce soir , et du livre du même titre publié aux éditions de la Découverte, la volonté de vérifier sur le terrain le potentiel de l'agroécologie, ces méthodes fondées sur le renouvellement des sols, sur l'agronomie et exemptes d'intrants chimiques. Durant un an et demi, la journaliste est allée à la rencontre de fermiers et de paysans qui ne sont pas intégrés au système agroalimentaire «conventionnel», mais développent des pratiques agricoles alternatives. Au Mexique, elle découvre la «milpa», l'étroite association sur des parcelles familiales de cultures de maïs, de haricots et de courges, une technique millénaire qui favorise la fertilité des sols et la résistance aux ravageurs ; au Malawi, c'est la plantation «d'arbres fertilisants» ; au Kenya, la technique du «push-pull» pour combattre un parasite, la pyrale du maïs : on insère entre les rangs de céréales du desmodium, une plante dont l'odeur fait fuir le papillon indésirable, et, en lisière de champ, de l'herbe à éléphant, qui attire l'insecte, mais tue ses larves… Robin découvre aussi l'agroforesterie, qui introduit des arbres au milieu des cultures, ce qui améliore la qualité des sols et lutte contre l'érosion.

Le documentaire n’est pas une enquête, mais plutôt un carnet de voyages subjectif, un tour du monde tissé autour de témoins paysans, scientifiques ou représentants d’organismes internationaux comme Olivier de Schutter, le rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l’alimentation. Ardent défenseur de l’agroécologie, il a expliqué, en mars 2011 à la tribune de l’ONU, que ces méthodes peuvent permettre d’améliorer les rendements dans les régions les plus pauvres tout en s’adaptant mieux au changement climatique.

Louable pour ses vertus informatives et pédagogiques, et par sa volonté de dépasser les lieux communs, le documentaire de Robin pèche par sa forme. Le spectateur lâche peu à peu le fil de ce qui ressemble trop au catalogue d’une globe-trotteuse, imagé d’exemples édifiants sans souffle ni rythme. L’absence de mise en perspective ne permet pas de comprendre si les témoignages glanés ont une portée universelle.

Après ses documentaires à charge contre l’industrie de l’agrochimie, on comprend bien la volonté de l’auteure de privilégier cette fois la recherche de solutions et l’optimisme. Mais cela vire parfois à la mièvrerie. A l’image du pénible leitmotiv visuel qu’utilise Robin, un gros ballon globe terrestre que les protagonistes s’envoient les uns aux autres après avoir montré du doigt l’emplacement de leur pays…

Paru dans Libération du 16 octobre 2012

Les Moissons du futur de Marie-Monique Robin

_ Diffusions : samedi 20 octobre à 15h40, mardi 30 octobre à 10h35 et jeudi 8 novembre à 14h10

_ Visible sur Arte+7 jusqu'au 23 octobre et en VOD

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