Menu
Libération
Critique

Des «Vampires» mis en bière belge

Faux-Docu . Vincent Lannoo s’immerge avec sympathie dans une famille de stryges bruxelloise.
par Mathieu Lindon
publié le 1er septembre 2010 à 0h00

Quid de la «communauté des vampires belges» ? Tous les films n'informent pas sur les vampires et la plupart de ceux qui le font se cantonnent aux fantômes en provenance d'Europe centrale ou des Etats-Unis. On ne peut donc nier la nouveauté d'une œuvre consacrée à cette quasi terra incognita, les vampires d'outre-Quiévrain, qu'ils soient Wallons ou Flamands car, bienheureusement, il semble que cette communauté soit imperméable aux querelles linguistiques. D'ailleurs, on rencontre dans le film un vampire qui fut auparavant membre des Doors et que ça n'empêche pas de s'exprimer en français avec un indéniable accent marseillais.

Immersion.Vampires est le troisième film de Vincent Lannoo, après Strass en 2001 qui était déjà un faux documentaire et fut labellisé Dogma par Lars Von Trier, et Ordinary Man en 2005. Ça se présente comme un tournage, un reportage qu'une équipe de cinéma réalise pour rendre compte de son immersion dans une famille vampire ordinaire.

L'image n'est donc pas artistique, les acteurs répondent souvent de face à des questions posées en voix off et on voit parfois le dos et les cheveux de l'intervieweur. Il s'agit de mieux comprendre ce qu'est le quotidien d'un vampire belge. Le père est un peu prétentieux et content de lui, la mère pas mal foldingue, le fils aîné semble un crétin qui ne fiche rien et la fille adolescente est une révoltée trop dégoûtée d'être vampire et qui aimerait cent fois mieux être humaine (diagnostic : c'est une «mal mordue»). A notre époque, beaucoup attendent d'une œuvre artistique qu'elle se saisisse d'un problème de société pour le traiter par l'intermédiaire de la fiction. L'ironie fondatrice de Vampires est de prendre une fiction complète et de l'élever au rang de question de société.

Quart-monde. Au demeurant, la famille vampire est confrontée à une multitude de faits de société. Une bienfaisante association d'aide aux immigrés leur livre régulièrement des Noirs, provoquant d'ailleurs la mauvaise humeur de la jeune rebelle qui ne mange depuis trois semaines que des Africains à qui elle trouve mauvais goût (de rage, elle se suicide toutes les cinq minutes sans sortir de l'immortalité propre à sa race). Les vampires sont éduqués de nuit (le fils abruti est nul) dans des écoles qui ont leur usage habituel le jour, ce qui se passe habituellement bien même si «un pataquès», c'est-à-dire la mort d'un enfant, est toujours possible. On découvre à quel point les vampires sans progéniture représentent une sorte de quart-monde tant ils sont victimes de la crise du logement. Quant à leur influence économique, elle est personnalisée par Julien Doré qui interprète un marchand de cercueils raffolant de cette famille qui lui achète à la chaîne un produit ne se vendant habituellement qu'à l'unité. Par ailleurs, la caméra saisit le fils ouvrant le frigo pour attraper une bouteille et se payer quelques gorgées de sang ou la famille tout entière dans un repas anthropophagique qu'elle propose généreusement à son intervieweur de partager (non merci, sans façon).

On aurait pu craindre que le propos soit trop léger pour un film d'une heure et demie. Mais non : les acteurs sont excellents, un rebondissement narratif envoie la famille au Québec au bon moment et Vampires est amusant de bout en bout.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique