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Libération

Des nuisances invisibles

Antennes, portables, wi-fi: les ondes en accusationdossier
Quels sont les effets des ondes ? Peut-on s'en protéger ? Mise au point.
par Catherine Maussion
publié le 20 juin 2008 à 3h58

Alors que l'inquiétude grandit sur les risques induits par le portable, passage en revue des principales interrogations.

Que disent les travaux scientifiques ?

Il y a l'étude qui fait peur, mise en avant Robin des toits. Elle a été publiée en août et fait partie d'un ensemble de travaux, baptisé BioInitiative. Que dit-elle ? L'usage d'un mobile depuis au moins dix ans augmente le risque de neurinome (cancer du nerf optique) de 30 % lorsque le téléphone est mis tantôt à une oreille tantôt à l'autre et de 240 %, quand il est utilisé plutôt d'un seul côté. A l'Afsset (Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail), Gérard Lasfargues, chef du département des expertises en santé-environnement, resitue BioInitiative dans son contexte : «C'est une compilation de points de vue et d'articles scientifiques» et «en aucun cas une expertise collective indépendante.» Quant au lien entre mobile et tumeur,«l'étude n'a pas la puissance statistique nécessaire pour trancher de façon définitive». Gérard Lasfargues invite à patienter. L'étude Interphone, menée dans treize pays, décortiquera les expositions subies par 6 500 à 7 000 personnes ayant développé des tumeurs. Mais, promise «pour fin 2008», elle pourrait glisser «début 2009».

De quoi souffrent les hypersensibles ?

Maux de tête, douleurs articulaires, difficultés de concentration. L'affaire des bibliothèques de la Ville de Paris a mis ces symptômes sous le feu de la rampe. Un coupable a été désigné : le champ électromagnétique dégagé par les bornes wi-fi. En France, le phénomène, compliqué, n'a pas encore retenu beaucoup d'attention même si des expérimentations ont eu lieu : on met ensemble dans une pièce des électrosensibles déclarés et d'autres non. Et on les soumet à des champs par intermittence. Gérard Lasfargues est formel : «Aucune relation de cause à effet n'a été établie.» Mais ce n'est pas une raison pour ne pas «prendre en compte ces souffrances», ajoute t-il. En Suède, le handicap est reconnu et indemnisé. 300 000 citoyens sont ainsi recensés.

Faut-il mettre le wi-fi et le mobile dans le même panier ?

Pour le wi-fi, on n'a pas encore montré d'effets sanitaires. «Tout est affaire d'exposition et elle est liée à la distance», explique Olivier Merckel, physicien et spécialiste de ces questions à l'Afsset. Or, on est rarement collé à quelques centimètrs d'une borne wi-fi. Ce n'est pas le cas du mobile porté à l'oreille. Elément supplémentaire, une borne wi-fi ne dépasse pas 100 milliwatts. Alors qu'un portable émet par pics, jusqu'à 2 watts. On comprend mieux la pertinence du message rappellé par les cancérologues : utiliser le kit mains libres. Les associations Priartem (1) ou Robin des toits font une autre suggestion : diminuer les puissances des antennes, quitte à les multiplier sur le territoire ! «C'est effectivement une solution», réplique-t-on à l'Afsset. Inutile de dire qu'elle fait sortir de ses gonds l'Association française des opérateurs mobiles : «On a déjà 47 000 antennes !» Mais il y a plus économique et moins inesthétique : choisir un mobile à faible DAS (débit d'absorption spécifique, lire ci-dessous). Sauf que «les DAS sont mesurées à puissance émise maximale et dans des larbos», tempère Olivier Merckel.

Faut-il avoir peur des antennes ?

C'est une autre affaire. Entre en scène une autre mesure, celle du champ électromagnétique dans lequel nous baignons tous (télévision, radio FM, mobile.). Cette valeur inquiète ceux qui vivent sous les antennes. Les tenants du principe de précaution, lors du Grenelle de l'environnement, ont plaidé une exposition maximale (sitôt qu'on est à quelques mètres d'une antenne) de 1 volt par mètre (2). A Valence, sur le campus universitaire, le champ a été limité à cette valeur-là. En Toscane, des élus ont fait plus fort encore et imposé moins de 0,5 volt par mètre. Mais Silvio Berlusconi est passé par là et il a interdit aux autorité locales de fixer des seuils. Toute la péninsule est donc revenue à 6 volts par mètre. Alors pourquoi la France a-t-elle fixé des seuils dix fois plus élevés (3) ? «Nous avons choisi, en France, de nous caler sur une recommandation européenne de 1999», explique l'Afsset. En termes plus explicites : «On a décidé de se protéger contre les seuls effets instantanés et avérés des rayonnements.» Etienne Cendrier ironise : «Cela évite de cuire sous les antennes.»

(1) Pour une réglementation des implantations d'antennes relais de téléphonie mobile. (2) Pour les fréquences allant de 850 Mhz à 6,5 Ghz, et donc incluant wi-fi et wimax. (3) Soit entre 41 volts par mètre (pour les antennes mobiles émettant sur du 900 Mhz) et 61 volts pour les antennes 3 G (2,1 Ghz).

Pour aller plus loin :

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