Des ondes porteuses d’inquiétude

par Catherine Maussion
publié le 18 mai 2011 à 19h01
(mis à jour le 18 mai 2011 à 19h09)

Sont-elles maléfiques ou innocentes ? Après le visionnage de Mauvaises Ondes , un docu accablant pour le mobile, la première question qu'on pose à Sophie Le Gall, la réalisatrice, est : «Et vous continuez à utiliser votre mobile ?» Réponse : «Oui, mais avec oreillette, si possible.»

Parions que ce sera aussi celle du public… D'entrée le sujet est posé : Eric Damas, ingénieur à la Criirad (Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité), débarque chez Carine, dans son appartement parisien. Il vient mesurer les ondes, capteur à la main. Et lâche son verdict : 5 volts pour le téléphone sans fil, 3 volts à proximité de la box en wifi. Et le clou : 2,4 volts au voisinage du baby-phone perché sur le berceau de bébé, tout près du cerveau… Puis on enchaîne chez Nadine Jeanjeon, dans la campagne viennoise. Elle nous montre «l'hécatombe de sa basse-cour» au lendemain de l'installation du pylône de téléphonie mobile. C'était en 1998. L'intérêt du détour par la Vienne est dans le dévidage de la pelote : partir d'un fait avéré, la surmortalité constatée des poussins, et tirer le fil des alertes et des études, sans lâcher l'affaire. Un procédé efficace et répété à plusieurs reprises.

Archives, interviews, Sophie Le Gall, déjà réalisatrice du remarqué Du poison dans l'eau du robinet , docu sans concession, s'entête. Pendant ses six mois d'investigation et avant de tourner la moindre image, la réalisatrice est troublée par ce constat : «Comment se fait-il que les études qui trouvent des effets sur les organismes vivants sont souvent le fait de labos indépendants, tandis que celles rassurantes sont pilotées par des scientifiques en lien avec l'industrie du mobile ?» D'où l'articulation de son récit : «Je suis partie de trois études et j'ai essayé de les déconstruire.»

Où l’on voit des chercheurs témoigner face caméra, raconter les pressions pour minorer tel résultat gênant, ou victimes de retards pour la publication de leurs travaux -- six ans d’attente pour celle sur la morbidité des poussins. Tandis que d’autres scientifiques, en lien avec l’industrie, recueillent un maximum d’audience. Deux, en particulier, se retrouvent sur la sellette : René de Sèze, directeur de recherches à l’Ineris et habitué des colloques, et Bernard Veyret, membre de l’ICNIRP -- une organisation scientifique de conseil sur les normes en matière de rayonnement -- et qui siège en parallèle au conseil scientifique de Bouygues Télécom…

Des conflits d'intérêt que le documentaire souligne et qui restent cachés : «Nous avons demandé à plusieurs reprises à l'ICNIRP les déclarations de conflits d'intérêt que leurs membres sont obligés de déposer , insiste Sophie Le Gall, et on nous a renvoyés sur leurs biographies !» Les opérateurs télécoms n'ont pas eu de chance en tombant sur Sophie Le Gall… Soulagement du côté des industriels : à cause d'une grève à France 3, le plateau prévu après le sujet -- dont la composition promettait d'être épique -- est annulé.

Paru dans Libération du 18 mai 2011

Mauvaises Ondes

_ documentaire de Sophie Le Gall

_ France 3, ce soir, 20 h 35.

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