«Desperate Housewives» : dernière dose d’héroïnes

par Flore Di Sciullo
publié le 12 avril 2012 à 18h37

La fin approche. Bientôt Bree, Lynette, Susan, Gabrielle, et toute la bande iront rejoindre Jack Bauer ( 24 heures Chrono ), Jack Shephard ( Lost ), Michael Scofield ( Prison Break ) en attendant Greg House ( Dr House ) au cimetière des séries cultes des années 2000. La dernière saison de Desperate Housewives dont la diffusion commence ce soir sur Canal + (à quelques semaines de celle de l'épisode final sur ABC aux États-Unis), c'est un peu la fin d'une époque, celle de l'âge d'or des séries.

Lancée en 2004, Desperate Housewives a vite marqué les esprits, mêlant les codes du soap opera, du thriller et de la comédie. Le tout sur fond de narrations alambiquées, dans un décor de banlieue chic atopique -- la ville et l'Etat sont fictifs, et il y fait toujours beau. Loin des héros traditionnels des séries, elle met en scène des femmes au foyer auxquelles on peut s'identifier facilement. Gabrielle, la fashion victim égoïste, Lynette, la mère dévouée, gérant tâches ménagères et professionnelles, Susan, la gaffeuse au cœur d'artichaut, et Bree, la maîtresse de maison tirée à quatre épingles, chacune à sa manière incarne un balancement entre clichés de la féminité et discours féministe. Comme quoi on peut très bien passer ses journées à faire du shopping ou la cuisine et quand même bouleverser les habitudes télévisuelles.

Dans Desperate Housewives il y a autant de types de personnages que de types de publics : jeunes, vieux, homos, hétéros, Blacks, Hispaniques… Des personnes ordinaires, dans un décor banal, mais à qui il arrive des trucs extraordinaires, c'est le principe. A chaque épisode son lot de rebondissements, de secrets, de révélations. Au bout de huit saisons, même si la série a fini par être répétitive, elle est parvenue à tenir en haleine des millions de téléspectateurs. Cette ultime saison le prouve à nouveau. On y voit nos quatre vieilles amies gérer les conséquences de leur implication dans le meurtre du beau-père de Gabrielle. Et l'arrivée dans la boîte aux lettres de Bree de la même missive que celle qui avait poussé Mary Alice au suicide au tout début de la saison 1. La boucle est bouclée.

C'est d'ailleurs une des principales originalités de la série : après son décès, Mary Alice surplombe les hystéries de Wisteria Lane et commente les faits et gestes de ses congénères, entre prédictions et constat désenchanté, faisant de Desperate Housewives un mélange entre la satire et le conte philosophique.

Ce qui a sans doute fait le succès de la série, c'est qu'elle ne s'est jamais prise trop au sérieux, rien n'est jamais trop excessif, et cette légèreté est jouissive. En jouant avec les codes et les genres télévisuels, Desperate Housewives apparaît comme le feuilleton par excellence, aux scénarios toujours bien ficelés. Pourtant des grosses ficelles, il y en a eu quelques-unes depuis le début : des accidents de voiture, des maladies, des cadavres dans le placard (au sens propre, bien sûr) et même un crash aérien. De ces stéréotypes, la série fait sa marque de fabrique en les traitant au second degré, toujours à mi-chemin entre le grinçant et le potache.

Les personnages-types -- du tombeur à la garce -- sont les pivots d'une narration hybride, où les apparences sont toujours trompeuses. C'est un peu le mot d'ordre de la série : rien n'est comme il y paraît dans les allées proprettes de Wisteria Lane. Derrière ces personnages outrés et ces trames narratives répétitives se cache quelque chose qui fait qu'une série est une bonne série. Maintenant c'est dit, Desperate Housewives , c'est (presque) la fin, et on s'en souviendra, obligé.

Paru dans Libération du 12 avril 2012

Desperate Housewives

_ série créée par Marc Cherry

_ épisodes 1, 2 et 3/24, Canal+, ce soir, 20 h 55.

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