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Libération

Détournement de surveillance

par Astrid GIRARDEAU
publié le 13 septembre 2007 à 11h34

Alors que le dernier opus du festival Ars Electronica se penchait sur la fièvre sécuritaire (lire article) , de son côté, le Whitney Museum (New-York) proposait, jusqu'au 9 septembre, l'exposition PROFILING, deux installations basées sur la reconnaissance automatique des gens dans l'espace public. Un système qu'elles détournent avec humour pour mieux en montrer l'absurdité et interroger sur les limites de la surveillance et de la détection informatique.

Dans SVEN (Surveillance Video Entertainment Network) , les méthodes de reconnaissance utilisées par les polices anti-criminalité sont ici appliquées au monde du spectacle. «Si les technologie de reconnaissance peuvent détecter que vous êtes un terroriste, un criminel ou tout autre forme d'"indésirable", pourquoi ne peuvent-elles pas reconnaitre que vous êtes une rock star ?» se demandent les créateurs du projet (Amy Alexander, Jesse Gilbert, Wojciech Kosma, Vincent Rabaud, et Nikhil Rasiwasia).

Une caméra de surveillance filme en temps réel un espace public et envoie les images à un ordinateur qui analyse les caractéristiques des personnes présents à l''écran: expressions du visage, position, vêtements, etc. Les données sont alors comparées à une base de données de clips vidéo, et toutes ces images sont mixées en un film qui permet d'estimer le «potentiel de rock star» des personnes filmées (voir la vidéo ci-dessous). SVEN aborde moins le fait d'être observé que la façon dont cette observation est faite. Et la manière dont elle pourrait être faite si on en modifiait les critères.

SVEN détectant des «rock stars» dans les couloirs du Whitney Museum - DR

De la même manière, avec Taken , une installation réalisée en 2002, le canadien David Rokeby détourne l'utilisation des systèmes de repérage. La pièce est structurée à la fois par un mécanisme d'enregistrement/diffusion des images et par l'interactivité avec les spectateurs. Dans une salle, deux écrans sont installés côte-à-côte. Le premier projette une vue de la salle, superposant l'historique de tous les gens qui y sont passé et son activité en temps réel. Quand de nouveaux visiteurs entrent dans l'espace, leur image est enregistrée et projetée en boucle sur l'écran avant de s'estomper. Un des visiteurs est sélectionné par la caméra qui commence alors à le traquer. Zoomant sur son visage et classifiant chacun de ses mouvements par des adjectifs choisis aléatoirement («complice», «résigné», «distrait», «réassuré», etc.). L'inquiétude d'être épié, suivi, répertorié tourne alors à la farce amer. Tout ceci est enregistré, puis projeté sur le deuxième écran, où passe un catalogue noir et blanc des visages des cent derniers visiteurs.

«Taken», une installation de David Rokeby - DR

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