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Libération

Do it yourself (2/5): Le nouveau rendez-vous des bricolos du monde

par Marie Lechner
publié le 26 août 2009 à 10h18

«Arrêtez d'acheter, faites-le vous- même» est le mot d'ordre du Maker Faire , festival au succès grandissant, initié il y a quatre ans par le magazine américain Make , bible des bricoleurs. Constructeurs de roquettes et tricoteurs, brodeurs et soudeurs, jardiniers et codeurs, artisans et technophiles, savants fous et MacGyver du dimanche s'étaient, cette année encore, rendus en masse à la grand-messe annuelle du Do it yourself (DIY). Le plus gros rassemblement mondial de geeks s'est tenu les 30 et 31 mai à San Mateo, au sud de San Francisco. Plus de 600 makers sont venus montrer leurs créations à 78000 visiteurs.

Le renouveau du Do it yourself est devenu outre-Atlantique une véritable lame de fond, propulsée par la récession américaine. Dans son discours inaugural, le président Obama a appelé les Américains à participer à la refonte du pays, en ressuscitant l'esprit d'innovation et de créativité, fondements de la nation : «Ce sont les preneurs de risques, les faiseurs, les fabricants […] qui nous ont menés vers la prospérité et la liberté.» Le thème de l'édition 2009, « Remaking America, construire un futur durable» , fait directement écho à l'appel à mobilisation d'Obama, proposant toute une série d'innovations écolos et alternatives à la surconsommation.

Au Maker Faire, on pouvait ainsi s'offrir une virée en solar touring bike, un tandem allongé, activé par l'énergie solaire et la force des mollets permettant de parcourir jusqu'à 300 kilomètres par jour, assemblé à moindres frais par «deux gars dans un garage de Sacramento» . Réduire sa consommation d'énergie grâce à un dispositif sans fil mis au point par l'artiste hackeuse Limor Fried, qui permet de surveiller en temps réel la consommation des différentes pièces de sa maison via Twitter (Tweet-a-watt). Mettre les mains dans le cambouis pour fabriquer une planche de surf en carton ou dans la boue pour s'initier à l'agriculture urbaine.

«La nécessité est mère de toute invention. Aujourd'hui plus que jamais, il est temps de réparer les choses au lieu de les remplacer» , tambourine M. Jalopy, l'un des prophètes du mouvement Make qui tient une chronique sur le site du magazine. Récupérer des objets usés, les recombiner, leur inventer de nouvelles fonctionnalités est son passe-temps favori.

Propriétaire d'un magasin de vélos d'occasion, M. Jalopy est un bricoleur inspiré. Il a par exemple créé le «plus gros iPod du monde», une antique console des années 50 modifiée, capable de numériser les vinyles qui tournent sur la vieille platine. Selon le gourou du recyclage, «if you can't open it, you don't own it» (si vous ne pouvez pas le démonter, vous ne le possédez pas). Les consommateurs ne savent plus ce qu'il y a à l'intérieur de leur ordinateur ou de leur téléphone portable.

Le mouvement Make est né de cette frustration envers des produits jetables, à usage unique qui excluent le consommateur. Shannon O'Hare, alias Major Catastrophe, est un autre personnage incontournable de la Maker Faire où il se pointe régulièrement avec son incroyable maison victorienne autopropulsée, construction de 7 mètres de haut, faite à 75 % de matériel de récupération. «Les entreprises nous persuadent que nous ne pouvons pas réparer les objets que nous possédons. Tout ce que nous avons le droit de faire est d'acheter leur camelote.»

A la Maker Faire, innovation ne rime pas forcément avec utilitarisme mais avec plaisir et fun. Batailles navales pour couler le vaisseau rival à coup de billes d’acier, lancement de fusées, combats de robots insectes tueurs, robot girafe alimenté au propane, et autre «Muffin cars» y tiennent la vedette. Ces véhicules électriques aux allures de petits fours nappés de gélules de prozac géantes n’ont peut-être pas vocation à concurrencer les voitures sur le marché, mais sont des petits trésors de technologie maison.

«La popularité du Do it yourself s'explique par une volonté de se réengager dans le monde physique, estime Dale Dougherty, cofondateur d'O'Reilly, plus gros éditeur de littérature informatique qui a lancé Make. C'est aussi une forme d'expression créative qu'on partage avec d'autres ou en ligne.»

Make, qui reprend le flambeau du Whole Earth catalog ( lire l'article ), n'est pas né en Californie par hasard où cette «innovation de garage» (comme le Homebrew Computer Club, club de bidouilleurs électroniques qui comptaient dans ses rangs Steve Jobs ou Steve Wozniak) a donné naissance à quelques géants de la Silicon Valley.

Surfant sur ce renouveau, l'épais trimestriel Make connaît un franc succès, malgré ses 15 dollars. Chaque numéro s'écoule à 100 000 exemplaires. A tel point qu'il a été suivi par le Craftzine - l'équivalent de Make pour les filles qui célèbre le renouveau de l'artisanat - et la vente de kits DIY, de manuels etc. Le bricolage est un business comme un autre.

Parallèlement fleurissent sur le Web quantité de sites où les particuliers partagent leur savoir-faire via des guides vidéo, comme Instructables.com , le plus gros d'entre eux. L'engouement dépasse de loin la seule Californie. Le site de Make a des fans tout autour du monde et revendique 2,5 millions de visiteurs par mois. En mai, la Maker Faire, qui a déjà essaimé à New York et Austin, s'est tenue pour la première fois en Angleterre et à Newcastle et se déploiera en Afrique en août.

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_ - Do it yourself (1/5) : Le guide pratique du hippie écolo

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