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Libération

Dorcel, le X et les Français: envie d'un plan com ?

par Alexandre Hervaud
publié le 10 septembre 2009 à 18h31
(mis à jour le 18 décembre 2009 à 12h38)

Alerte rose, éloignez les enfants de l'ordinateur, nous allons nous pencher sur «la seule grande griffe du X mondiale, où l'excellence dans l'exécution sert de catalyseur d'excitation et d'acceptabilité par le plus grand nombre» . Y'a pas à dire, chez Marc Dorcel , on réserve aux dossiers de presse le même traitement qu'aux postérieurs des actrices : c'est bien léché, bien maquillé. Mercredi matin, une troupe de journalistes attendaient patiemment dans un salon parisien les résultats du sondage Ifop commandé par le producteur de porno. Intitulée «Sexe, média et société» , cette enquête nous sort tout un tas de chiffres, plus ou moins surprenants : 89% des sondés, évidemment majeurs, ont déjà vu un film X (97% pour les hommes contre 83% pour les femmes). En termes de supports, l'internet gratuit prend le pas sur la télévision payante, puisque 45% des gens ont déjà vu des scènes X sur un site gratuit, contre 35% sur Canal+.

L'étude étant disponible sur le site Dorcel , on ne s'étendra pas sur les différents chiffres annoncés, d'autant qu'à peu près tous les médias, Libé du jour compris, ont relayé les principales informations. Des données certes intéressantes, mais à toutefois relativiser pour la simple et bonne raison que l'étude est la première du genre en France, en termes d'ampleur, sur le sujet. «C'est un point zéro» , reconnaissait hier François Kraus, responsable de l'étude à l'Ifop. Traduction : si on peut faire dresser quelques constats à partir de l'enquête, difficile d'analyser avec précision dans le temps les bouleversements comportementaux des français face au X. Forcément, il y a des évidences techniques : haut-débit oblige, on peut dater à ces trois dernières années l'explosion du porno gratuit sur le web avec l'apparition massive de YouTube-like coquins. C'est en tout cas l'observation de Grégory Dorcel, le fiston qui a repris l'entreprise, et pour qui «l'évolution de la société Marc Dorcel, c'est aussi l'évolution de la sexualité française» .

Si la sexualité française semble s'être décoincée chez les particuliers, les Dorcel père et fils sont en revanche plus amères sur l'évolution «des gouvernances» en matière de cul. En évoquant avec nostalgie «les affiches 4x3 mètres de pornos sur les Champs Elysées, qui restaient parfois un an à l'affiche, quelque chose d'impensable maintenant» , ils ont pointé le paradoxe d'une société certes plus épanouie au lit, mais pas forcément débarrassée de certains tabous. L'exemple le plus frappant a été cette pique adressée au cinéma traditionnel où «les scènes de sexe non simulées sont quasiment toujours associées à un univers négatif, à la douleur, à la culpabilité» , citant les films de Lars Von Trier, ou le fameux Baise-moi . «Rappelons que pour le Centre National de la Cinématographie, un film avec des scènes de sexe explicite qui pourrait être objet de masturbation doit être classé X» .

A gauche, Marc Dorcel sur le tournage de Citizen Shane , en 1996 - DR

Bien que privée de salles sur les Champs Elysées, la maison Dorcel affiche une santé insolente : 2009 n'aura pas été une annus horribilis pour l'entreprise, PME employant 35 personnes, grâce au carton Story of Laly téléchargé légalement plus de 2,5 millions de fois. Pour se distinguer du tout venant amateur tendance gonzo, Dorcel mise sur le porno chic. Pardon, Pornochic ®, la marque ayant été déposée par la société. «On n'achète pas un DVD porno pour avoir un produit Kleenex [sic], la série Z, c'est fini. Pour un film classe et haut de gamme, par contre, ça marchera toujours, le plaisir n'a pas de prix» , explique Grégory Dorcel, pour qui le sexe est, à l'image du football, un contenu «premium», comprendre avec un coût supérieur mais accepté.

En commandant cette étude, Dorcel soigne habilement sa com'. A ce stade, d'aucuns parleraient presque de réhabilitation. Hasard ou coïncidence, le Monde 2 consacrait la semaine dernière quatre pages à Hugh Hefner, le pape de Playboy . L'entretien, intéressant bien qu'assez complaisant, s'achevait sur cette déclaration de l'érotomane âgé de 83 ans : «j'aimerais être celui qui joué un rôle marquant dans le changement des valeurs de son époque, sexuelles et sociales» . On devine aisément que Marc Dorcel ne cracherait pas sur une telle reconnaissance. Car ne nous y trompons pas, derrière cette étude reprise en chœur un peu partout se cache avant tout un sacré coup de pub. Peut-être nécessaire, après tout, puisque la marque, qui fêtera ses 30 ans cette année, est connue par 50% des français d'après l'étude Ifop. Le chiffre n'est pas déshonorant pour un empire de la fesse, mais on peut suspecter l'entreprise de vouloir encore améliorer son taux de pénétration du marché.

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