Drupal, la république du code

par Camille Gévaudan
publié le 15 septembre 2009 à 10h38
(mis à jour le 15 septembre 2009 à 17h20)

De l'avis de tous, à la conférence Drupal, le rapide développement du projet tient surtout à sa communauté. A la sortie de la version n°6, Drupal comptait 900 développeurs... Un chiffre difficile à imaginer : comment 900 personnes, éparpillées dans le monde et parlant différentes langues, peuvent-elles travailler sur un seul et même projet ? Le créateur Dries Buytaert lui-même s'en étonne. «Oui, c'est assez incroyable... et pourtant, ça marche. On fournit une infrastructure sur le site drupal.org, pour permettre la collaboration entre ces gens, et tout se passe en ligne avec des outils que nous avons développés nous-mêmes.» Mais il y a en parallèle une forte activité in real life à travers les DrupalCons, organisés deux fois par an (une fois en Europe et une fois sur le continent américain), les Drupal Camps (des rencontres plus locales), ou les Drupal Meetups ( «à 20 ou 30 dans un bar pour se donner des tuyaux» ). Se rencontrer en vrai et mettre un visage sur les pseudonymes des collègues est pour Buytaert la clé d'une collaboration qui marche : «C'est très important pour la communauté d'apprendre à travailler ensemble et de se rencontrer en face à face, d'avoir toutes ces conversations et ce brainstorming.»

Et surtout, partager l'esprit du libre. Drupal est, comme les principaux CMS concurrents (et même si Buytaert est persuadé que la communauté Drupal a «une vibe spéciale» ), un projet open source. Et ce n'était même pas prévu au départ. Lorsque Buytaert a commencé à travailler sur le projet, il y a une dizaine d'années, il s'agissait d'abord d'un espace de travail personnel, «une plateforme expérimentale» sur laquelle il essayait de nouvelles technologies comme les flux RSS. «Mon site a commencé à attirer des gens qui s'intéressaient au futur du web. On a discuté de ces technologies, ce qu'on pouvait faire grâce à elles, ce qu'il serait cool de faire, et j'implémentais les suggestions. Et à un moment, je me suis dit : est-ce que ça ne serait pas plus pratique si chacun pouvait intégrer ses propres idées au lieu que ça soit moi qui le fasse à chaque fois ?» Alors, «un peu par paresse» , il décide de rendre Drupal et son code source disponibles pour que tout développeur intéressé puisse y intégrer ses propres idées. «Mais bien sûr, je ne m'imaginais pas que ça deviendrait ce que c'est aujourd'hui...»

Ce que Drupal est devenu aujourd'hui ? «Une république du code» selon Ori Pekelman. Directeur de conception de la société AF83, qui développe des applications web et mobiles, il choisit de réinvestir une partie de ses recettes dans la recherche et le développement au sein du projet Drupal. L'un des employés d'AF83 est actuellement le leader de la communauté Drupal française, traducteur de la documentation de l'anglais vers le français et très actif sur le développement de la prochaine version du CMS... tout cela sur son temps de travail. Pekelman vise sur cette liberté pour permettre à son équipe de rester à la pointe de l'innovation : «Le code devient banal : si ce n'est pas nous qui l'écrivons, quelqu'un d'autre le fera. Nous, on n'est pas très inquiets de perdre des parts de marché parce qu'on est tout le temps en train de créer de nouvelles choses, de nouveaux besoins et de nouveaux marchés.» Mais toujours en partageant le code source, qui représente «un bien commun» . Libérer le code d'une nouvelle application dans la communauté Drupal permet à d'autres programmeurs de la tester et d'y apporter des améliorations, dont l'entreprise peut profiter en retour.

Et ce profit n'est pas que financier. «Travailler de manière agréable, ça a aussi une valeur. C'est super sympa de pouvoir lier vraiment des amitiés.» Il raconte l'anecdote du jour où, avec cet esprit altruiste qui caractérise les projets libres, des membres de la communauté Drupal ont sauvé une grosse société web de la catastrophe : «Ils n'utilisaient jusqu'à maintenant que des technologies propriétaires. Une fois, ils ont monté un site Drupal et c'était un désastre complet. On était vendredi, et l'annonce de presse pour le lancement du site, un très gros truc, devait être faite le lundi à 14h. La communauté a pu trouver assez de monde pour corriger ce qui était mal fait pendant le week-end, vraiment dans l'idée de donner un coup de main. À la fin on était une dizaine de personnes, venant de plein de boîtes différentes. Et le lundi à 14h, le site tournait. Ils ont découvert de quoi était capable la communauté, et maintenant ils vont sans doute commencer à faire un peu plus de logiciel libre...»

Les prouesses de cette collaboration à grande échelle ont en effet de quoi forcer l'admiration... et la modestie. Buytaert, qui se considère «évangéliste de l'open source» mais s'amuse d'avoir choisi une licence libre par convenance personnelle, est le premier à s'avouer impressionné par l'efficacité de la coopération libriste : «On veut toujours m'interviewer moi, parce que j'ai démarré le projet, mais je crois qu'il faut attribuer le mérite à la communauté. C'est un travail accompli par nous tous, et c'est remarquable.»

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