Du tout médias au medium rien

par Pierre Marcelle
publié le 1er février 2011 à 0h00

Cette manie de prétendre tout mettre dans tout… Le journal dans le téléphone, la télé dans l’ordinateur et le petit commerce dans la boîte à musique… L’exercice n’est plus réservé aux acteurs du machin numérique : pour ne pas se laisser tondre, les vieux médias se sont résolus à recycler leurs produits diversement recyclables. Avec des fortunes diverses.

Le truc à la mode, et qu’avaient vulgarisé sur Inter, en leur temps raccourci, Didier Porte et Stéphane Guillon, c’est la radio filmée. Soit, dans le poste, le chroniqueur chroniquant, dans la lecture, non de son prompteur, mais de son petit papier du jour. Face à lui, une caméra fixe qui tourne toute seule ; dans son dos, comme chez le footeux faisant pour ses sponsors l’aumône d’un commentaire en langue à crampons, le mur autopromotionnel du studio de la station ; hors champ, dans l’agitation d’une régie qu’on devine, la voix off d’un comparse pour une «relance» téléphonée. Répétitive gymnastique du hamster encagé sur les sites dédiés et infiniment dupliqué par les YouTube et les Dailymotion… Cette laideur aux couleurs criardes, au son hypothétique, au néant d’image, fait à tout coup l’effet assassin d’un tue-l’amour de la radiophonie.

Ce miroir des vanités révèle des bassesses et sublime des tempéraments. Un Barbier (l'Express, LCI), qui se pique de coquetteries théâtrales, daigne à peine cabotiner pour une caméra passive, quand un Zemmour (RTL) prétend l'ignorer ostensiblement, mais sans dédaigner l'effet, dit «VGE», de la chaise vide qu'il abandonne, au terme de la corvée, en s'enfuyant côté cour. Un Demorand (Europe 1) la sollicitait d'avance, l'autre semaine, en intimant en direct à Jean-Luc Mélenchon de «ne pas [le] pointer du doigt», révélant à l'auditeur ce que le transistor ne lui permettait d'apprécier. D'autres y surjouent comme des cochons.

Ces coulisses, on devrait ne jamais les dévoiler. Elles sont à la radio ce que les tapuscrits, dont Vladimir Nabokov arguait qu’il ne fallait pas les révéler, sont à la littérature. Il paraît, hélas, que le public, l’usager, le client, en redemande… A ce train, attendons-nous à découvrir demain des «programmes» enregistrés par des caméras de surveillance dans le journal télévisé ! Mais on me souffle que, gros bêta, ça existe déjà.

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