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Libération

Dubaï déraille sur la neutralité du Net

par Sophian Fanen
publié le 14 décembre 2012 à 11h58
(mis à jour le 14 décembre 2012 à 12h57)

La Conférence mondiale sur les télécommunications internationales (WCIT) qui s'est tenue à Dubaï s'est achevée hier soir dans un flou difficile à décrypter et sur un texte qui reste à voter , qui mentionne le droit de chaque pays à «réguler Internet» .

En fin d'après-midi, les Etats-Unis ont ainsi annoncé par la voix de Terry Kramer, chef de la délégation américaine au sommet organisé par l'Union internationale des télécommunications (UIT), une instance des Nations Unies, que son pays «ne pouvait pas signer [le texte final] dans sa forme actuelle» , estimant qu'il porterait atteinte à la gouvernance d'Internet, qui n'est pas le rôle de l'UIT selon Washington. Celle-ci est aujourd'hui assurée par un groupe d'organisations indépendantes: l'Internet Engineering Task Force (IETF), l'Internet Society (Isoc) et l'Icann, chargée de la gestion des noms de domaine.

«Les négociations sont terminées , a déclaré à l'AFP Sarah Parkes, porte-parole de l'UIT. Les Etats-Unis, le Canada et la Grande-Bretagne ont annoncé qu'ils ne ratifieraient pas.» Elle a précisé qu'un communiqué sur le traité serait diffusé aujourd'hui. Le texte final pourrait être voté par certains des 193 pays membres de l'UIT, mais n'aurait alors pas de valeur internationale.

Le sommet WCIT avait pour objectif de remettre à jour, pour la première fois depuis 1988, le Règlement des télécommunications internationales (RTI) signé à Melbourne. Mais de nombreuses voix, dont la Maison Blanche, Google ou la Quadrature du Net, avaient dénoncé avant son ouverture une tentative de l'UIT et des grands opérateurs de télécoms d'inscrire dans le nouveau traité international la possibilité pour l'UIT et ses Etats membres d'intervenir dans la gestion juridique et politique du réseau international. «Les Etats-Unis ont toujours pensé que [le traité du WCIT] ne devait pas s'étendre au contenu d'internet ou à sa gouvernance» , a encore expliqué hier Terry Kramer.

Selon lui, le texte comporte des éléments de langage «qui cherchent à mettre en place un contrôle gouvernemental sur la gouvernance de l'internet» . Le Royaume-Uni, le Canada, le Costa Rica, la République tchèque, le Danemark, l'Egypte, le Kenya, l'Inde, les Pays-Bas, la Nouvelle-Zélande, la Pologne, le Qatar et la Suède ont d'ores et déjà annoncé leur intention de ne pas signer le traité non plus. La France réservait encore ce matin sa décision, mais le ministère de l'Economie avait annoncé dans ces pages son intention de ne pas voter un texte qui menacerait les principes de base d'un Internet libre et ouvert.

Une « résolution visant à encourager un environnement favorable au développement accru d'Internet» a malgré tout été adoptée dans la confusion hier en fin d'après-midi, lors d'un vote à main levée demandé par le président de la conférence mondiale, Mohammed Nasser Al Ghanim. Elle mentionne notamment le fait de confier à l'UIT les moyens de «jouer un rôle actif et constructif dans le modèle multipartite d'Internet» . C'est-à-dire de mettre son nez dans la gouvernance du Web, selon les détracteurs du texte. On ne sait pas à cette heure si cette résolution se retrouvera dans le texte final soumis au vote dans la journée.

Hier, les discussions se sont également crispées sur les tentatives répétées de la Chine, de la Russie et des Emirats Arabes Unis -- organisateur de la conférence --pour inclure le terme «Internet» dans le traité final qui sera chapeauté par l'UIT. Ce qui aurait pour conséquence de lui donner des pouvoirs dépassant ses prérogatives de gestionnaire purement technique à ce jour. «Peut-être que dans le futur on arrivera à un Internet fragmenté [c'est-à-dire différent selon les pays, ndlr], ce qui serait négatif pour tous» , a déclaré Andrey Mukhanov, représentant du ministère russe des Télécoms et Communications de masse.

(Source AFP)

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