Dumas en noir et blanc

Film . Le rôle de l’écrivain panthéonisé et homme de couleur peut-il être tenu par le blond Depardieu ? Début de polémique.
par BAYON
publié le 15 février 2010 à 0h00

Nous avons dit à sa sortie le bien nuancé qu'il convient de penser du film français de saison l'Autre Dumas, consacré à Auguste Maquet, collaborateur de l'écrivain panthéonisé par Chirac Alexandre Davy de La Pailleterie, dit Dumas. Depuis, une polémique en demi-teinte s'est fait jour autour de l'interprétation, ou pour mieux dire l'incarnation, par Gérard Depardieu, d'Alexandre Dumas, second rôle du film de Safy Nebbou, face au Maquet de Benoît Poelvoorde.

«Frilosité». La question soulevée, pour être délicate, n'est pas absurde, elle est : est-il normal que Dumas, homme de couleur à la Barack Obama, soit joué par un Berrichon au teint vermeil ? Animée notamment par la journaliste TV Audrey Pulvar, «attristée de voir qu'on n'a pas pu trouver d'acteur de couleur» pour tenir le rôle de Dumas : «Au cinéma, il y a beaucoup de frilosité, mais quand je vois la carrière d'un Roschdy Zem, originaire du Maroc, je me dis qu'il y a des réalisateurs qui osent être en phase avec la société.»

Pour le Cran (Conseil représentatif des associations noires de France), l’Autre Dumas est «symptomatique de la discrimination dont sont victimes les personnes issues de la diversité et de la difficulté des élites à le reconnaître». Sur le même thème, Jacques Martial, vedette noire de Navarro, évoque un «mécanisme de discrimination par le silence». Par la voix de sa présidente Véronique Cayla, enfin, le Centre national du cinéma (CNC) estime que «notre retard sur les Etats Unis est immense» et que «le métissage bien réel de la société française n’est reflété ni à la télévision ni au cinéma».

Au total, sans aller jusqu’au véritable scandale, voire à la levée de boucliers - tant le débat suscité par cet aspect de l’Autre Dumas, film en costume sans message ni prétention «ethnique», reste jusqu’ici mesuré -, on peut parler d’émotion et de vraie amorce de polémique.

«Enjeu». «On ne change pas des années d'immobilisme d'un coup de baguette magique, analyse Hervé Bourges, président du Comité permanent de la diversité à France Télévisions, parlant d'un «enjeu de société» et signalant (à l'AFP) que depuis 1999 et une première étude sur la représentation des personnes de couleur à l'écran, les choses n'ont guère évolué. En attendant que Depardieu donne de la voix, l'occasion de relever cette question du jour à suivre, pour l'étoffer, la mettre en perspective, l'ouvrir.

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