Elections européennes : Il n'y a pas que «Home»

De nombreux programmes ont pu influer sur les votes la semaine dernière. Passage en revue des affreux brûlots propagandistes.
par Alexandre Hervaud
publié le 8 juin 2009 à 14h15
(mis à jour le 8 juin 2009 à 14h34)

Alors comme ça, Home , le documentaire héliporté de Yann Arthus Bertrand aurait manipulé les rares votants de ces trépidantes élections européennes, influant sur le score étonnant des listes Europe Ecologie hier ? C'est en tout cas ce qu'avancent les mauvais perdants (Modem, FN, Libertas), et YAB n'étaient pas forcément du genre à les contredire ce matin à l'antenne d'Europe 1 .

Il est vrai que la diffusion mondialisée et multi-supports du film lui a clairement assuré une visibilité, et que France 2 a tout fait péter niveau audiences vendredi dernier, lors de sa soirée écolo. Seulement voilà, à bien regarder les programmes TV de la semaine dernière, force est de constater que de nombreux autres films ou émissions ont également pu influer sur les votes. Passage en revue des affreux brûlots propagandistes.

UMP

Alors là, bravo France 5 ! Non seulement, vous vous débarrassez de Serge Moati, mais en plus, vous servez la soupe à la majorité présidentielle, et en prime time s'il vous plaît ! Comment ne pas voir dans la diffusion, lundi dernier à 20h35, du documentaire On a tous en nous quelque chose de Johnny , un tract à la gloire du parti sarkozyste. Et en plus, Pascal Nègre intervient dans la chose, réalisée par Xavier Villetard. Comme si la diffusion sur TF1, quelques jours plus tôt, du concert événement de l'idole des jeunes populaires au Stade de France n'avait pas suffi. Non, vraiment, le PS pourrait facilement se plaindre au CSA.

PS

Direct 8, chaîne de Bolloré, a sans aucun doute rendu service au parti socialiste en diffusant lundi soir Les Pétroleuses , western français parodique marqué par de beaux crêpages de chignon entre une Brigitte Bardot et une Claudia Cardinale royales. Ce combats de coq – de poules, plutôt- au sommet n'est pas sans rappeler les affrontements répétés entre Martine et Ségolène. En plus sexy, clairement. Evidemment, à la fin, les querelles s'achèvent, l'union fait la force et les vrais méchants perdent. Si c'est pas un ode au parti de la rose, ça.

Modem

Il était une fois est une production Disney dans laquelle une princesse quitte son univers magique de conte de fée (présentée en dessin animé dans le film) pour le monde « réel » (tourné avec de vrais acteurs, donc), en l'occurrence New-York. Impossible de ne pas penser à l'histoire poignante du petit François B., fils de paysans pyrénéens et ex-bègue qui s'est risqué à quitter l'univers familial pour s'imposer dans le microcosme politique au plan national. Un vrai conte de fée sur l'adversité, un peu bling-bling mais aussi humaniste, bref, centriste en diable, que Canal+ a honteusement diffusé en prime-time vendredi dernier.

Front National

Jeudi, France 3 diffusait sa nouvelle série événement, Un Village Français , sur les affres de la vie sous l'occupation allemande dans un village fictif. Mais la veille, France 2 faisait encore plus fort. Marie Drucker et Max Gallo présentaient en effet Droit d'inventaire, ces français qui ont choisi Hitler , présenté comme «une enquête historique (...) sur ces Français qui, par ambition ou par conviction, par goût de l'argent ou par soif du pouvoir, ont choisi de servir Hitler.» Un détail de l'histoire, dirait sans doute Jean-Marie, dont le capital sympathie a sans doute bénéficié de ce programme. En effet, en 2007, on apprenait que le breton borgne avait tenté, à 16 ans, en 1944, de rentrer dans la Résistance . Et ouais. Mais s'étant vu refuser l'engagement, il en aurait gardé une rancœur tenace à l'égard de ces maudits bolchéviks tueurs de boches. C'est un peu l'équivalent de la mort des parents de Bruce Wayne dans la vie de Batman, si vous voulez.

NPA / Front de gauche

Mercredi soir, NRJ 12 comblait nos rétines avec l'Attaque des Guêpes tueuses , aussi connu sous le nom de Guepes Attack dans les bacs à dvds douteux de grandes surfaces. L'histoire est un classique du brûlot révolutionnaire anti-capitaliste. Jugez plutôt : une bande de chercheurs n'a rien de mieux à faire qu'expérimenter sur la biotechnologie au lieu de trouver un moyen d'offrir l'eau potable aux pays du Tiers Monde. Par erreur, ils libèrent un essaim de guêpes porteurs d'une horrible virus. Pour ne rien arranger, leur laboratoire est situé près de la frontière mexicaine, et le pays de la tequila est directement menacé par leur bévue. Comment ne pas lire dans ce chef d'oeuvre une attaque en règle de l'impérialisme yankee, de la mondialisation outrancière, du mépris pour le prolétariat... L'illustration parfaite d'une maxime bien connue à la Poste : nos vies valent plus que leurs profits.

Libertas

Scoop : Arte roule pour Frédéric Nihous, et par extension pour le vicomte du 8-5, Philippe de Villiers. La chaîne franco-allemande a en effet mis les bouchées doubles lundi dernier pour réhabiliter les chasseurs, en diffusant Le Freischütz , opéra allemand de Weber. L'histoire d'un chasseur, donc, prénommé Max, qui se prépare à un concours de tir afin de pouvoir épouser sa promise. Hélas, la gâchette n'est point fine, et Max tire comme un boulet. Conseillé par son sournois pote Kaspar, Max accepte sept balles magiques qui ne ratent jamais leur cible. Soyons clair, on n'a pas vu l'opéra, et l'histoire nous semble confuse, mais c'est aussi le cas du programme de Libertas, et c'est un point commun trop troublant pour être passé sous silence.

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