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Libération

En Allemagne et en France, les Pirates toutes voiles dehors

par Camille Gévaudan
publié le 16 mai 2012 à 19h27
(mis à jour le 16 mai 2012 à 19h46)

Les voiles du Parti pirate n'ont jamais été aussi gonflées, et poussent le navire international vers de nouveaux horizons politiques. En France, les jeunes matelots s'apprêtent à vivre leur première grande aventure en proposant une centaine de candidats aux élections législatives, tandis qu'en Allemagne, les pirates viennent d'exploser tous leurs records de popularité aux élections régionales en recueillant 7 à 9% des voix selon les Länder . «Voilà, nous sommes adultes» , s'émouvait récemment un des leurs au micro de l'AFP.

C'est Berlin qui a ouvert la voie l'an dernier en élisant à la surprise générale 15 députés pirates au parlement régional, avec l'excellent score de 8,9%. Ont suivi ces dernières semaines les Länder de la Sarre et du Schleswig-Holstein -- avec respectivement 7,4% et 8,2% des voix --, avant que l'élan ne se confirme ce week-end par un petit triomphe (7,8%) en Rhénanie du Nord-Westphalie (RNW), où les pirates ont emporté 20 sièges. «Là où la majorité des partis pirates [européens] se sont lancés comme un simple projet de site web , avec des compétences d'abord techniques et un cahier des charges très spécialisé, les Allemands ont immédiatement adopté une vision sur le long terme et ont organisé leur formation à cette fin» , analyse Rickard Falkvinge, le fondateur du Parti pirate suédois, le premier du genre. La question qui se pose maintenant est celle d'une participation à une coalition de gauche, comme les pirates du Schleswig-Holstein viennent de le proposer au Parti social-démocrate (SPD) et aux Verts, bien qu'encore peu habitués à ces procédures parlementaires.

En Rhénanie du Nord-Westphalie

Les quatre victoires allemandes sont d'autant plus savoureuses qu'elles sont encore rares en Europe : seuls les pirates suédois avaient réussi jusqu'à ici à se faire remarquer sur le terrain politique, en gagnant un siège de député européen en 2009 . C'est Christian Engström, 52 ans aujourd'hui, militant contre les brevets logiciels et pour des standards informatiques ouverts, qui en a hérité. Son élection a sans aucun doute aidé à diffuser le nom du Parti pirate auprès du grand public et à crédibiliser l'image du parti politique auprès de ceux qui imaginaient encore une bande d'adolescents obsédés par le téléchargement de mp3.

Le gros du programme pirate concerne effectivement les libertés numériques, avec des revendications tranchées sur la légalisation du partage d'œuvres non marchand, la défense de la vie privée, l'open data, les logiciels libres, la neutralité du net... Mais les militants cherchent à élargir leur champ d'action (laïcité, égalité des sexes et des sexualités, légalisation du cannabis, acquisition de la nationalité par droit du sol... et un peu d'écologie).

«Ce n'est pas assez de se concentrer simplement sur nos sujets initiaux , explique à Owni Sebastien Nerz, qui a dirigé le parti pirate allemand jusqu'au mois dernier. Il n'y a rien à gagner à bâtir à la hâte un programme complet, mais nous ne devons pas non plus ignorer les sujets hors de notre cœur d'action.» Pour toucher plus loin que les geeks, le jeune bio-informaticien vient ainsi de céder sa place à Bernd Schlömer, quadragénaire et haut fonctionnaire du ministère de la Défense.

Bernd Schlömer - Photo Reuters/Fabian Bimmer

Élu avec 66% des suffrages lors du congrès d'avril du Piraten Partei , ce père de famille partage avec la jeune génération une volonté de rénover la vie politique et s'est notamment battu contre la corruption en entreprise au sein de l'ONG Transparency International . Pour 72% des électeurs potentiels du Parti pirate, récemment sondés en Allemagne, le «mécontentement face aux partis traditionnels» est la première motivation de leurs envies de changement. La base électorale du parti est donc fragile, car d'abord contestataire.

Tous les yeux sont désormais tournés vers leurs homologues français, ravis de partir à leur tour à l'abordage des législatives. Malgré un manque crucial de moyens financiers, l'humeur générale est à la surexcitation : «La semaine qui s'ouvre est celle de tous les possibles pour le Parti pirate , se réjouit-on sur le blog du PP hexagonal. Autant le dire: c'est l'effervescence.» Le nombre d'adhérents a doublé depuis les victoires d'outre-Rhin, pour atteindre 438 ce week-end, et 102 candidats (dont 13 femmes) sont déjà dans les starting-blocks, attendant encore quelques renforts supplémentaires avant la clôture officielle du dépôt des candidatures, vendredi.

«Si 50 candidats du Parti pirate obtiennent au moins 1% des suffrages au premier tour, notre navire aura de quoi s'offrir de nouvelles voiles car s'ouvrirait alors le financement public, soit 1,63€ par voix et par an» , rêvent déjà les pirates. Quelques spots télévisés sont déjà sur leurs bancs de montage.

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