Essorage express au «Washington Post»

par Lorraine Millot
publié le 11 avril 2012 à 15h30

Même le Washington Post doit réduire sa voilure. Le prestigieux quotidien de la capitale américaine peine à garder l'équilibre à l'heure d'Internet et réduit ses effectifs. Pour la cinquième fois depuis 2003, le WaPo propose un plan de départs volontaires à certains de ses journalistes. Selon l' ombudsman du journal, Patrick Pexton, entre 33 et 48 journalistes sont invités à partir, sur un total de près de 600.

Comme la plupart des quotidiens, le Washington Post a vu ses ventes s'effondrer ces dernières années : de plus de 800000 exemplaires en 1994, elles sont tombées à une moyenne de 516000 l'an dernier. Cela reste considérable, mais le déclin l'est tout autant. En 2011, la diffusion du journal a encore reculé de 6%. Les dirigeants du WaPo reconnaissent eux-mêmes que l'édition imprimée va continuer à perdre des abonnés ces prochaines années et semblent presque s'y résigner. Dernièrement, le quotidien a surtout concentré ses efforts pour maintenir l'édition du dimanche qui, comme pour la plupart des quotidiens américains, sert d'attrape-pub (nombre d'Américains l'achètent pour les coupons publicitaires qu'on y trouve).

Tandis que le papier perd des lecteurs, par centaines de milliers, le Washington Post en gagne des millions d'autres, en ligne : l'intégralité du journal peut y être feuilleté et lu gratuitement le jour même. Le tout agrémenté de nombreux articles, blogs, vidéos ou gadgets… Pour la campagne présidentielle américaine, il a lancé par exemple une application ( @MentionMachine ) qui calcule combien de fois on parle des candidats sur Twitter et analyse ces chiffres. Le jour de notre visite à la rédaction en chef, un des articles les plus lus sur le site racontait comment la police avait contrôlé un habitant de la région de Washington déguisé en Batman à bord d'une Lamborghini noire… Dès le lendemain de la publication de l'article, les journalistes du WaPo ont mis en ligne la vidéo de police de l'interpellation, assurant un deuxième pic d'audience sur le sujet.

Bien que journal de la capitale, le Washington Post a toujours choisi de rester un quotidien local, qui n'est même pas distribué dans le reste du pays. Tout cela change aussi avec Internet : de 85 à 90% du lectorat en ligne est maintenant basé ailleurs qu'à Washington, indique la rédaction en chef. Malgré tous ces efforts, et le lectorat en forte expansion, le WaPo peine à rentabiliser ses activités. Au dernier trimestre 2011, ses revenus publicitaires en ligne ont même plongé de 15%.

Le quotidien a aussi la malchance de s'être adossé en 1984 à Kaplan, un groupe d'enseignement privé qui vient de voir ses activités sérieusement limitées par l'administration Obama. Du coup, après avoir longtemps servi de vache à lait pour la Washington Post Company, Kaplan voit ses revenus s'effondrer. Les quotidiens vivent une «époque de convulsion» , résume souvent Bob Woodward, l'une des stars du Washington Post , qui avait révélé le scandale du Watergate, rappelant que son journal est loin d'être seul dans cette tourmente.

Paru dans Libération du 10 avril 2012

De notre correspondante à Washington

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