Qu'est-ce que (vraiment) un éditeur sur Internet ?

par Astrid GIRARDEAU
publié le 17 mars 2009 à 11h31
(mis à jour le 17 mars 2009 à 13h03)

Si le statut de l'hébergeur (sa définition et ses obligations) est bien défini par le LCEN (Loi pour pour la Confiance dans l'Economie Numérique) , celui de l'éditeur, bien que maintes fois cité, et clairement distingué de celui de l'hébergeur, est beaucoup plus flou. Du coup, il varie souvent selon l'interprétation du juge, et les jurisprudences contradictoires.

Cette semaine, le site Juriscom revient sur une ordonnance du Tribunal de Grande Instance (TGI) de Paris, du 9 février dernier, opposant une mannequin, Kimberley P. aux sociétés Sivit, Universpodcast, MySpace Inc, ZePeople, et au jeune DJ Vincent B. La jeune femme accuse ce dernier de violation du droit à l'image sur ses pages web, et les quatre sociétés précédemment citées d'avoir hébergé ces dites pages. Elle réclame à chacun des dommages et intérêts.

Cependant la demanderesse n'a pas envoyé de notification à ces prestataires -- comme le veut la loi pour retirer ou rendre l'accès inaccessible aux images reproduites sans son autorisation --, mais les a directement attaqué en justice. Ayant pris connaissance des faits, les différents défendeurs ont alors agi promptement et retiré les images. Ces derniers ont rappelé leur statut d'hébergeur qui ne les soumet pas à une obligation générale de surveillance, et donc pas de vérifier par exemple les droits d'utilisation de la fameuse photographie.

Mais comme l'explique le juriste Pierre Mimja, la demande visait à «requalifier les sociétés défenderesses en "éditeurs"» . Une argumentation rejetée par le juge. Parmi les raisons évoquées, il a estimé «qu'il n'est pas soutenu que les sociétés défenderesse ont pu, avant la mise en ligne des contenus en cause, intervenir de quelque manière que ce soit dans leur création, exercer sur ceux-ci un contrôle préalable, ou encore ajouter quelque valeur à ceux-ci avant d'en assurer l'hébergement.»

Dans l'affaire Claire Keim contre JFG Networks (15/12/2008) déjà, l'ordonnance stipulait que «l'hébergeur se distingue ainsi de l'éditeur de site, qui est la personne, physique ou morale qui fournit le service de communication au public par voie électronique, en définit et crée le contenu éditorial et est responsable de celui-ci» . Mais selon Pierre Mimja, c'est la première fois que la mention «intervention dans la création d'un contenu» apparait. Et le juriste de rappeler qui dans la loi du 21 juin 2004, le rôle de l'éditeur est quasiment absent. La définition la plus précise étant « éditeur de service de communication au public en ligne » dans l'article 6.II.

Depuis, selon les jurisprudences l'éditeur prend différents rôles selon qu'on veut ou non l'attribuer à l'hébergeur. Par exemple, dans l'affaire Lafesse contre Dailymotion (15/04/2008), les éditeurs sont définis comme étant «la personne qui détermine les contenus qui doivent être mis à la disposition du public sur le service qu'elle a créé ou dont elle a la charge» .

Selon Pierre Mimja si la LCEN «n'a pas pris le soin de définir explicitement l'éditeur» , elle semble cependant bien «bien le désigner implicitement (...) comme celui qui contribue à la création du contenu» . Et concernant cette ordonnance du 9 février, de conclure : «le visa de cette motivation n'est certes pas explicite, on ne pourrait toutefois nier qu'elle trouve son fondement légal dans l'article 6-II. Entre les verbes "intervenir sur …" et "contribuer à …", il n'y a guère plus, cette fois-ci, qu'un détail sémantique.»

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