Et demain l’Internet sera le genre humain

Le collectif Telekommunisten prône le retour à un Web ouvert et partagé. Bref, un communisme peer to peer...
par Marie Lechner
publié le 30 octobre 2010 à 0h00

Dans The Social Network, deux héros se partagent la vedette, Mark Zuckerberg, créateur de Facebook, et son éminence grise, l'intrigant Sean Parker. Hackeur brillant, Parker est le cofondateur de Napster, service de partage de fichiers musicaux en peer to peer, dont le succès fulgurant fit vaciller l'industrie du disque entre 1999 et 2001, date de sa fermeture par décision de justice.

Quelques années plus tard, Parker s’associe à Zuckerberg et devient milliardaire.

En creux, on peut y lire une autre histoire, celle d’Internet et de son dévoiement, de Napster à Facebook, du peer to peer au Web 2.0, d’un système de partage de fichiers décentralisé à une plate-forme propriétaire monolithique, certes plus attractive, mais accaparant les contenus des internautes, contrôlant leurs interactions et exploitant et monnayant leurs données personnelles.

C’est du moins l’analyse qu’en font les partisans du Web ouvert. Dans les marges prolifèrent les initiatives open source qui souhaitent revenir aux fondements d’Internet. L’initiative la plus populaire, Diaspora, créée par quatre étudiants new-yorkais, se veut un Facebook alternatif, basé sur l’utilisation du protocole peer to peer, et qui permet aux utilisateurs de garder la main sur leurs données. Dans une veine similaire, il y aussi The Appleseed Project, Crabgrass ou NoseRub.

Sont apparues également des alternatives à Twitter, comme Identi.ca ou bientôt Thimbl, en lice pour le nouveau prix Open Web lancé par le festival berlinois Transmediale en collaboration avec Mozilla. Thimbl, du collectif Telekommunisten, est l'un des trois finalistes aux côtés de Graffiti Analysis et de Booki, un service libre pour la création de livres, que les internautes sont invités à départager. «Ce qu'on a perdu de vue dans la hype du soi-disant "Web social", écrit Dmitry Kleiner, cofondateur de la coopérative berlinoise, c'est que le partage est la raison d'être d'Internet. Usenet, l'Email, IRC, toutes ces plateformes décentralisées qui n'étaient la propriété de personne, ont permis les connexions sociales, l'émergence du journalisme citoyen, le partage de photos […]. Et le microblogging lui-même aurait déjà été possible, il y a des décennies de cela.»

De fait, Thimbl, encore en développement, s’appuie sur des technologies classiques du Net, comme le protocole Finger créé dans les années 70, un service présent virtuellement sur chaque serveur, mais généralement désactivé. Il ne nécessite pas d’application spécifique. Thimbl est ainsi construit sur des standards du Net (Finger, SHH, http…), ce qui devrait en faire un réseau social distribué très largement accessible. Inutile de réinventer à chaque fois la roue, estime Kleiner, il suffit de valoriser l’existant.

Ce service de microblogging libre n'est que l'un des projets de ce collectif politique de «travailleurs agitateurs» opérant dans la sphère des télécommunications. A leur actif, Dialstation, un service de communications longue distance à prix cassés, Trick, du micro-hébergement bon marché, Deadswap, système de partage de fichiers offline, où les participants se refilent sous le manteau une clé USB.

Pour Dmitry Kleiner, «le plus grand défi du Web ouvert n'est pas technique, il est politique». Dans The Telekommunist Manifesto, qui vient d'être publié, le hackeur né en Union soviétique oppose «un communisme peer to peer à l'Etat capitaliste centralisé Client-Serveur». Il y jette les bases d'une organisation économique alternative qui propulse le Manifeste du parti communiste de Marx et Engels à l'âge de l'Internet.

www.thimbl.net www.telekommunisten.net www.networkcultures.org/ networknotebooks

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