Et la série télé fut

par Manuel RAYNAUD
publié le 8 décembre 2009 à 16h36

Vulgariser l'histoire des séries télé américaines, anglaises et françaises (mais surtout américaines), c'est le pari de Marjolaine Boutet dans son ouvrage Les séries télé pour les nuls . Cette collection est connue pour rendre accessible les sujets les plus abscons à n'importe-qui.

Hasard de sa date de publication, Les séries télé pour les nuls débarque pile au moment où semble se dessiner les prémices d'un âge d'or français avec l'émergence d'auteurs talentueux, d'Anne Giafferi ( Fais pas ci, fais pas ça ) à Alexandre Astier ( Kaamelott ) ou Hervé Hadmar ( Pigalle la nuit , Les Oubliées ) et la redécouverte d'auteurs un peu plus expérimentés comme Frédéric Krivine ( PJ , Un Village Français ). De ces scénaristes, et c'est déjà pourtant une grande victoire, l'ouvrage n'en canonisera qu'un, Alexandre Astier. Il se retrouve planté entre David Chase ( Les Soprano ) et Steven Moffat ( Jekyll , Doctor Who ) dans la liste des « dix auteurs de séries télévisées à connaître » .

Mais Les séries télé pour les nuls n'est pas qu'une simple sélection de noms et de biographies. Pour une large partie, c'est avant tout un ouvrage analytique -- concrètement, comment se fabrique une série -- et historique qui dénoyaute les fondements de ce genre en s'appuyant sur l'évolution de la télévision au sein des sociétés. Et tout part des Etats-Unis, patrie de l' entertainment , qui, à la sortie de la guerre, s'engouffre sur la voie du média de masse. En 1949, seulement 2% des foyers américains sont équipés d'une télé. En 1956, ils sont 70%. Il faudra attendre les années 70 pour que la France atteigne un tel taux d'équipement.

Sous son œil d'historienne, Marjolaine Boutet ausculte ici une Amérique où la création de fictions télé n'est ni un art, ni une industrie, mais un artisanat inscrit dans l'ADN culturel du pays. Dès les années 50, les intentions artistiques des scénaristes se sont endurcies d'un savoir-faire pour s'accorder avec les sévères contraintes de production industrielles qui pèsent sur le média. Comme l'écriture des scénarios en quatre actes imposée par le modèle économique des coupures publicitaires. C'est aussi l'occasion, lors de soirées mondaines entre passionnés, de ne plus faire une tête hallucinée quand un de vos amis évoque avec nostalgie I Love Lucy , nom de la première sitcom (comédie de situation) créée en 1951 et diffusée sur CBS. Ouvertement féministe, elle était imaginée par Lucille Ball et montrait une grossesse « de bout en bout à l'écran, à une époque où les couples mariés à l'écran devaient dormir dans des lits jumeaux... » .

Ainsi, Les séries télé pour les nuls ramène le lecteur aux référents des trois grands genres (les dramas, les comédies et les feuilletons, eux-même divisés en sous-genres) et explique leur éclosion en fonction des trois âges d'or des séries américaines. Les années 1950 seront celles de l'invention de la télé. Les années 1980 verront la narration s'enrichir, dans Dallas par exemple mais pas uniquement, de cliffhanger et d'intrigues se déroulant sur plusieurs épisodes sans oublier l'apparition de séries chorales via la décisive Capitaine Furillo . Quant aux années 1990-2000, c'est l'explosion des séries sur le câble, offrant à un public qui se diversifie des divertissements exigeants et très différents. Avec, à leur tête, la chaîne HBO qui a mis à l'antenne deux séries devenues déjà des classiques : Les Soprano sur une famille mafieuse en désintégration et Six Feet Under , une autre famille, cette fois de croque-morts, qui se reconstruit après un deuil.

« Les séries télé pour les nuls » de Marjolaine Boutet chez First Editions, 348p. En librairie le 10 décembre à 22,90€.

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