Et vous trouvez ça troll ?

par Astrid GIRARDEAU
publié le 13 septembre 2008 à 5h00

La discussion, sur ce forum Internet, tourne autour d'un prochain produit d'Apple. Les avis s'échangent. Et puis, sans prévenir : «De toute façon, Mac, c'est pour les tocards !» Touché au vif, un des intervenants réagit : «Qu'est-ce qui te permet de dire ça ?» Erreur. Il a sauté à pieds joints dans le piège tendu par celui qu'on appelle un troll.

Fiche d'identité

Nom : troll. Habitat : les espaces de discussion (forums, newsgroups.). Ambition : créer une polémique afin de polluer une discussion, et finalement la tuer. Régime alimentaire : tous les sujets sont comestibles, mais plus de morceaux de partisans il y a (informatique, politique, religion, etc.), mieux c'est. Profil : on le croit bête et méchant. Mais c'est un manipulateur, un expert en provocation et mauvaise foi.

C'est quoi le rapport avec les elfes ?

Si le troll a hérité du physique ingrat du géant de la mythologie nordique, l'origine de son nom, apparu à la fin des années 80, est associée au verbe anglais to troll. Qui signifie pêcher avec une ligne munie d'hameçons. Par métaphore, le troll va récolter les messages incendiaires (dits «flames») sur le Net.

Quel est son mode opératoire ?

Alternant les rôles d'agresseur et de victime, il utilise toute une panoplie de techniques pour provoquer des commentaires inutiles : insultes, attaques ad hominem et flood (envoi d'un grand nombre de messages sans intérêt). Mais son arme favorite est le flaming, qui consiste à poster des propos insultants, afin de déclencher un torrent de réponses violentes, et finalement transformer le tout en guéguerre.

Et ça finit comment ?

Quand le nombre de messages sans intérêt dépasse celui de messages pertinents, on dit alors que le rapport signal-bruit est bas. Au mieux, la discussion est condamnée. Au pire, elle aboutit au point Godwin. Défini par l'avocat américain Mike Godwin, ce dernier est atteint quand l'un des participants utilise une insulte ou analogie liée au nazisme.

Mais. pourquoi ?

«Son but est, consciemment, de tuer les forums. Par amusement, parce que le sujet du forum lui déplaît, parce que les administrateurs l'ont vexé. Parce que dehors, il pleut et qu'il s'emmerde au boulot», explique le site Uzine (1).

Que faire face à un troll ?

Absolument rien. Il faut l'i-gno-rer. La seule et unique règle est : Don't feed the troll. Littéralement : «Ne nourrissez pas le troll.»

Est-ce que je peux troller sans le savoir ?

Hélas, oui. Justement en répondant au troll. Tant pour le raisonner ou l'insulter, cela entretient la dynamique de messages inutiles recherchée. Mais n'importe qui peut troller accidentellement. Par énervement (voire par haine de l'humanité), dans un moment d'oubli (après une soirée arrosée) ou par méconnaissance de l'espace de discussion.

Je me suis fait traiter de troll, c'est grave ?

Ça dépend. Soit vous êtes un troll. Soit c'était un dérapage et vous relirez 10 fois la Nétiquette, la charte de bonne conduite sur Internet (2). Mais on peut aussi vouloir vous discréditer. Et là, courage, il faut prouver que vous souhaitiez juste exposer votre point de vue.

Le troll est-il invincible ?

Pour anéantir le troll, on peut fermer son compte utilisateur. Une technique extrême, mais limitée. Il lui suffit de se réinscrire sous une autre identité. Des logiciels comme Cave Your Trolls (3) sont autrement plus diaboliques. Une fois le troll détecté, ses messages ne sont plus lisibles que par lui-même. Lui seul voit s'afficher sa prose bileuse, tandis que les autres intervenants peuvent continuer à discuter sans être pollués.

Le troll peut-il être puni ?

En février 2008, la cour d'appel de Californie a estimé que les trolls, bien que «offensifs et avilissants», étaient protégés, aux Etats-Unis, par le premier amendement.

Un monde sans trolls, le rêve ?

C'est le paradoxe. Rêver d'un monde sans trolls, c'est vouloir la fin de la liberté d'expression. On est foutu.

(1) www.uzine.net/article1032.html (2) www.sri.ucl.ac.be/SRI/rfc1855.fr.html (3) www.caveyourtrolls.com

Pour aller plus loin :

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