Etats-Unis : CISPA possible, c'est pas possible !

par Emilie MASSEMIN
publié le 20 avril 2012 à 19h10
(mis à jour le 4 février 2013 à 13h33)

La polémique continue autour du Cyber Intelligence Sharing and Protection Act (CISPA). Déposé fin 2011 par le député républicain du Michigan Mike Rogers, le texte donne la possibilité aux agences gouvernementales de renseignement de communiquer aux entreprises des informations personnelles relatives à des menaces informatiques, et inversement. Autrement dit, il contourne tous les gardes-fous qui interdisent encore de tels transferts de données. Le projet n'est pas du goût de l'administration Obama, qui s'inquiète pour ses répercussions sur la protection des données personnelles.

La prise de position remonte à mardi 17 avril. Dans une déclaration relayée par The Hill , la porte-parole du Conseil national de sécurité Caitlin Hayden a déclaré que « les dispositions relatives au partage d'informations doivent inclure de solides protections pour préserver la vie privée et les libertés civiles des citoyens » . « Une législation qui sacrifierait la vie privée des citoyens au nom de la sécurité ne répond pas à un besoin urgent de notre nation » , a-t-elle tranché. La référence à CISPA était plus qu'évidente.

Google favorable à CISPA ?

Cette critique fait écho à une vaste campagne de mobilisation contre le projet de loi lancée par des groupes de militants, parmi lesquels le Centre pour la démocratie et la technologie , l'Electronic Frontier Foundation (EFF), l' American Civil Liberties Union (ACLU) ou encore Free Press . Objectif, relancer la violente réaction qui a tué dans l'œuf les projets SOPA et PIPA, en janvier dernier.

Mike Rogers, a tenté de minimiser l'ampleur de la fronde. « Ce n'est qu'une turbulence en voie d'apaisement » , a-t-il dédramatisé. A la recherche d'une caution morale supplémentaire, il a confié que Google avait été « un soutien » dans l'élaboration de CISPA – ce même Google qui s'était mobilisé contre SOPA. « Google nous a aidé à chercher la bonne formulation pour le projet de loi » , a-t-il indiqué, en précisant que la firme voulait protéger les données personnelles de ses utilisateurs et empêcher la régulation sur Internet. La compagnie s'est abstenue de tout commentaire. D'autres grands acteurs de l'Internet et des télécoms, comme AT&T;, Intel, Microsoft, IBM ou Verizon, s'étaient déjà dit favorables à une telle loi. En tout, CISPA aurait attiré six soutiens supplémentaires depuis le 29 mars dernier, ramenant à 112 le nombre de promoteurs du projet au sein du Congrès.

Nouvelle version, un peu édulcorée

Le député a également rendu publique, dès mardi soir, une nouvelle version de CISPA. Cette dernière, clairement adressée aux défenseurs de la vie privée, donne une définition différente de la « cyber-menace » . Plus de confusion possible avec une quelconque violation de propriété intellectuelle, donc plus d'amalgame entre CISPA et une énième tentative de répression du piratage. Le texte modifié réserve également le droit aux citoyens et aux entreprises de poursuivre en justice le gouvernement, si ce dernier malmenait les informations récoltées. Enfin, il confie au ministère de la sécurité intérieure le rôle principal dans le processus de partage des données, une main tendue aux défenseurs de la vie privée qui préfèrent que le pouvoir réside entre les mains du gouvernement plutôt que dans celles d'une agence de renseignement comme la NSA.

Ces modifications, qualifiées de « cosmétiques » par Michelle Richardson de l'ACLU , n'ont pas calmé les esprits. La conseillère législative de l'organisation souligne que le projet de loi permet toujours aux entreprises de transmettre les informations personnelles d'utilisateurs directement au NSA. Un point de vue partagé par Kendall Burman, membre de longue date du Centre pour la démocratie et la technologie, qui estime que les changements effectués « ne touchent pas le cœur des préoccupations » concernant la protection de la vie privée.

Déjà approuvé par la Commission traitant du renseignement, CISPA doit être débattu la semaine prochaine à la Chambre des représentants. « Nous allons continuer à nous battre pour être sûrs que des protections significatives de la vie privée soient inclues » , a d'ores et déjà prévenu Michelle Richardson.

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