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Libération

Etats-Unis : Google visé par une loi anti-piratage, c'est COICA ?

par Alexandre Hervaud
publié le 17 février 2011 à 16h34
(mis à jour le 16 novembre 2011 à 11h39)

On en a assez peu parlé ici jusqu'à présent, mais outre-Atlantique, les adversaires du téléchargement illégal misent depuis plusieurs mois sur une législation bien plus agressive que l'Hadopi française pour limiter le piratage. La Combating Online Infringement and Counterfeits Act (ou COICA pour Loi de Lutte contre les Infractions et Contrefaçon sur Internet), a été proposée en septembre 2010 par un sénateur américain, avant de passer avec succès en novembre devant le Comité judiciaire du Sénat des États-Unis, sans pour autant parvenir à devenir effective. Du moins pour l'instant. Si elle était votée et mise en place, la COICA instaurerait un système permettant au gouvernement américain de faire une liste de noire de sites «pirates» à bloquer via DNS, et qui se verraient interdits de publicité ou de systèmes de paiement en ligne.

Comme l'indique Ars Technica , une audition par un comité judiciaire du Sénat américain avait lieu hier pour débattre sur le sujet. Invité à donner son avis, l'auteur de polars best-sellers Scott Turow ( Ultime Recours, Présumé Innocent ) intervenait en tant que président de l' Authors Guild , organisation représentant les écrivains américains publiés. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que la Guild, en tout cas son premier représentant, n'a pas vraiment de mots tendres pour le téléchargement illégal (certes, l'inverse eut été étonnant).

Pour évoquer les pratiques illégales quasi généralisées et la façon dont certaines sociétés en profitent, Turow, un écrivain imaginatif, y va de son analogie : «C'est comme si les marchands d'un pays étrange étaient contraints d'avoir de grandes portes latérales dans leur boutique, portes que pourraient emprunter des potentiels consommateurs pour ressortir, un maximum de produits sous le coude, en toute impunité et sans payer. Dans ce lieu étrange, un nombre grandissant d'entreprises feraient profit de ce genre de pratiques en aidant les potentiels clients à opérer ainsi, laissant au marchand une seule chose à offrir à ses consommateurs honnêtes : la dignité de sortir par la porte principale» .

Et d'ajouter : «BitTorrent est au vol de films, de séries TV, de musique, de jeux vidéo et maintenant de livres ce que les pinces coupantes sont au vol de vélos (...) Le piratage a pratiquement démantelé l'industrie du disque. Tout business plan dans ce milieu doit maintenant prendre en compte que le piratage est la règle, pas l'exception.» Turow accuse également les avantages juridiques accordés aux FAI (les safe harbors , ou sphères de sécurité, qui dédouanent les fournisseurs des activités de leurs clients) d'être devenus «une véritable mine d'or exploitable pour les entreprises malhonnêtes» .

En plus d'écrire des romans à succès et de présider l'Authors Guild, Scott Turow est également avocat. Parmi ses suggestions relatées par Ars Technica, l'une consisterait à supprimer le «safe harbor» des FAI ou plateformes qui fourniraient un accès fréquent à des «sites illégaux» dénoncés officiellement et à plusieurs reprises par les ayants droit. «En d'autres termes, Google pourrait être attaqué en justice pour avoir donné en résultat de recherche des liens vers The Pirate Bay» , extrapole Ars. D'après le Wall Street Journal , Google était d'ailleurs invité à l'audition hier, mais aucun représentant n'était présent. Idem pour Yahoo. Rien ne dit que la proposition de Turow, qui n'est d'ailleurs pas la plus sévère (c'est dire !) entendue hier, sera finalement retenue.

Les sénateurs espèrent voir la COICA adoptée cette année, et un consensus démocrate-républicain semble se dessiner. Autant dire que si les opposants visés par la loi comme Google et Yahoo continuent d'ignorer les auditions de ce genre, le texte final risque fort de ne pas leur être favorable. À moins que les parlementaires ne forcent les entreprises à se présenter via une injonction délivrée ( subpoena ) comme l'a laissé entendre hier un sénateur particulièrement remonté contre Google.

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