Etats-Unis: pour la justice, un tweet est un cri public

par Sophian Fanen
publié le 3 juillet 2012 à 12h24

Un juge new-yorkais a finalement ordonné hier à Twitter de lui transmettre les données d'un de ses utilisateurs impliqué dans des manifestations du mouvement Occupy Wall Street, une affaire qui pourrait faire jurisprudence en matière de liberté d'expression en ligne aux Etats-Unis.

Le juge de la cour pénale de Manhattan, Matthew Sciarrino, a estimé que la loi lui permettait d'avoir accès aux tweets et autres données personnelles du compte de Malcolm Harris , poursuivi pour des débordements dans le cadre d'une manifestation sur le Pont de Brooklyn l'an dernier. Il s'agit plus précisément, selon l'acte judiciaire , de «toutes les informations» liées à son compte Twitter, y compris son adresse email et «tous ses tweets» postés sur une période de dix semaines.

En mai, Twitter avait répondu à cette demande en expliquant que les données personnelles et les tweets de Malcolm Harris lui appartiennent et que seul un mandat de la justice californienne, où est basé le réseau de microblogging, peut obliger Twitter à livrer ce genre d'informations.

Le juge Sciarrino a pour sa part estimé hier que les messages publiés publiquement sur Twitter ne constituent pas des informations privées et ne sont donc pas soumis à la garantie constitutionnelle qui protège la vie privée. «Si on poste un tweet, c'est comme si on crie à la fenêtre, l'objectif n'est pas de garder cela privé , explique-t-il dans sa décision. [...] La constitution [américaine] donne le droit de poster [des tweets], mais comme bon nombre de personnes l'ont appris à leurs dépens, il y a malgré tout des conséquences à ces opinions exprimées publiquement. Ce que vous exprimez en public appartient à tout le monde, ce que vous gardez pour vous vous appartient.»

Twitter a par ailleurs annoncé hier que 2012 avait vu ce genre de demandes d'informations sur ses abonnés exploser, en publiant son premier «rapport de transparence» sur le modèle de Google . «Nous avons reçu plus de demandes de gouvernements dans la première moitié de 2012 [...] que sur l'ensemble de l'année 2011» , y note le responsable juridique du groupe, Jeremy Kessel.

La majorité (679) des 849 requêtes sont venues des Etats-Unis et, dans 75% des cas, tout ou partie de l'information a été fournie. Le deuxième pays en nombre de requêtes est le Japon (98), suivi de la Grande-Bretagne et du Canada (11 chacun). La France a déposé moins de dix demandes d'informations sur des utilisateurs, et aucune information n'a été fournie par Twitter en retour. Elle a aussi déposé une demande de suppression, qui n'a pas été satisfaite. Au début de l'année, Twitter avait préventivement mis en place un système de censure de certains tweets afin de se plier aux diverses législations des pays dans lequel le réseau est accessible.

(Avec AFP)

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