Euronews new look

par Alice Géraud
publié le 9 juin 2008 à 3h48

De notre correspondante à Lyon

Euronews est la seule chaîne d'info à n'avoir aucun présentateur, à ne diffuser ni débat ni plateau. Ses journalistes sur le terrain se comptent sur les doigts d'une main. Sur Euronews, il y a des images en continu. Des commentaires construits à partir de dépêches d'agence. Et quelques sujets magazine. Point. Comme son préfixe l'indique, Euronews s'intéresse à l'actualité internationale «avec une perspective européenne».

Depuis sa création en 1993, la chaîne, basée à Ecully, dans l'agglomération lyonnaise, n'avait rien changé à sa formule. Entre autres, parce que durant quelques années, elle s'était surtout attachée à régler des soucis financiers. Bref, Euronews n'était pas très glamour. Et manquait de personnalité. «On n'avait pas vraiment d'image de marque», résume son directeur Michael Peters qui, après avoir redressé les comptes, a décidé d'offrir à sa chaîne un total relooking. Il a fait appel au top de la branchitude pub, l'agence FFL, pour Fred & Farid et Christophe Lambert (pas celui de Sophie Marceau, mais l'ex-président de Publicis Conseil).

Depuis le 4 juin, Euronews la tristounette ressemble donc à une pub pour des produits laitiers. Nouvel habillage : un cercle blanc et une typo ronde à la mode. Nouveau slogan, sobre et universel : «Euronews pure». Michael Peters l'accorde : «Pure» pour vendre des images de massacres en Tchétchénie, «ça peut bousculer un peu». Pas grave, ça correspond au concept. «De l'information pure, sans fioritures», selon Michael Peters. Entendre par «fioritures» les filles bien habillées pour donner le résultat des élections, et les éditorialistes mal habillés pour dire ce qu'il faut en penser. «Nous sommes les seuls à traiter l'information ainsi. C'est sur ça que nous avons décidé de construire notre stratégie de marque. Cela nous donne une vraie identité par rapport à nos concurrents», explique Peters.

Sept langues. Lorsqu'Euronews s'est lancée, il n'y avait que cinq chaînes d'info internationales. Il y en a une multitude aujourd'hui. Dans ce secteur ultraconcurrentiel, Euronews s'en sort plutôt pas mal. Elle est la première chaîne d'info en Europe, distançant largement CNN, avec 6 millions de téléspectateurs contre 1,7 pour la chaîne américaine. Et ce, avec un budget riquiqui: 50 millions d'euros par an. En comparaison, CNN international est à 650 millions d'euros.

Le truc d'Euronews pour faire la nique à ses concurrents, c'est le multilinguisme. La chaîne est diffusée dans sept langues : anglais, français, espagnol, italien, portugais, allemand et russe. A partir de juillet, elle sera disponible en arabe. Cette particularité permet à Euronews de distancier les chaînes anglo-saxonnes notamment en Europe du Sud, mais surtout en Europe de l'Est où l'allemand et le russe restent les langues des décideurs économiques. Grâce à l'arabe, la chaîne espère pouvoir étendre sa «perspective européenne» aux pays du Maghreb, du Proche et Moyen-Orient. «Là-bas, nous avons une bonne image car, contrairement à CNN ou Al-Jezira, nous sommes perçus comme impartiaux », explique Luis Rivas, le directeur de la rédaction.

Euronews ne se contente pas de traduire les sujets qu'elle diffuse. Si les images sont communes, les commentaires sont rédigés par des journalistes de différentes nationalités. Dans la mesure où ils travaillent sur les mêmes images, à partir des mêmes sources (les agences de presse) et avec un angle commun défini par la direction de la rédaction, le résultat final n'est pas saisissant entre une version anglaise et une russe. «C'est plutôt dans la façon d'écrire que nous nous différencions. Les Anglais vont faire des faits, rien que de faits. Alors que les Français vont avoir une écriture plus vivante, avec des effets de style, des descriptions. D'autres seront plus dans l'émotion. Ce sont des cultures journalistiques très différentes», explique Lise Pedersen, membre de l'équipe anglaise.

Tropismes. Chacun a également tendance à conserver ses tropismes. Ainsi, le jour où nous avons rencontré la rédaction, les journalistes étaient en train de travailler sur la collision mortelle entre un bus et un TER en Haute-Savoie. Dans son sujet, Lise Pedersen n'a même pas mentionné le nom de Nicolas Sarkozy, venu sur place rendre hommage aux victimes, évoquant rapidement «le Président français» alors qu'en face d'elle, sa collègue française est longuement revenue sur cette visite et sur l'émotion suscitée par l'accident. Certains sujets donnent ainsi lieu à de récurrents débats dans cette rédaction très internationale.

Sur les 200 journalistes de la chaîne, on compte plus de 20 nationalités. La langue officielle est le français mais chacun parle au minimum trois langues. Ce qui donne à ce bâtiment perdu au fond de la banlieue ouest de Lyon un petit côté auberge espagnole pour journalistes.

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