Europe 1 ronge sa noce

Rentrée des radios. Grand show, hier, de la station qui change (encore…) sa grille pour tenter de rejoindre le trio de tête.
par Sophie Gindensperger
publié le 4 septembre 2013 à 22h36
(mis à jour le 6 septembre 2013 à 11h28)

Le regard scrutateur de Thomas Sotto, placardé à chaque arrêt de bus depuis deux semaines, avait préparé le terrain. «Europe 1 réveille les Français», clame la campagne publicitaire façon affichage électoral de cette rentrée. L'invitation, en mode carte d'électeur factice, annonçait le point d'orgue de la conférence de rentrée de la station : l'élection, par les journalistes invités, du meilleur chroniqueur de l'émission de Laurent Ruquier, On va s'gêner, chaque jour à l'antenne de 16 h à 18 h 30, avec isoloir et tout. «Nous sommes en campagne pour conquérir les suffrages des auditeurs», claironne d'ailleurs le patron de la station, Denis Olivennes, dans son discours d'ouverture. Le lieu, lui aussi, est symbolique : la très politique salle de la Mutualité dans le Xe arrondissement de Paris, qui a notamment abrité le discours de Nicolas Sarkozy au soir de sa défaite de 2012.

«Fusée». Mais sur place, l'ambiance tamisée, les tables bien dressées et les M&M's bleu et blanc estampillés aux visages des voix de la station tiennent plus du banquet de mariage. Avec valse des animateurs en ouverture de bal. Cette année, le gendre idéal s'appelle Thomas Sotto. «C'est quelqu'un de très vif, qui a du rythme, exigeant, qui est extraordinairement impliqué dans le contenu de la matinale. C'était la personne parfaite pour mener cet exercice», justifie le directeur général de la station, Fabien Namias. Le journaliste tête d'affiche de Capital sur M6 prend les manettes de la matinale à la place de Bruce Toussaint, éjecté un an après avoir lui-même pris la place de Marc-Olivier Fogiel.

Le discours conquérant est donc là pour compenser les errements de la programmation : l'arrivée de l'agité Cyril Hanouna, déjà animateur de Touche pas à mon poste sur D8, en fin de matinée, à la place de Michel Drucker. «C'est un des tout meilleurs aujourd'hui, il a énormément de talent, et je ne vois pas pourquoi on devrait s'en priver», défend Namias, tandis qu'Olivennes loue sa «capacité à séduire l'ensemble des auditeurs, complètement dans la couleur d'Europe 1». Autre nouveauté : une émission de débat «avec les Français» en public sur la tranche de midi avec Wendy Bouchard, et enfin le retour de Frédéric Taddeï pour l'émission culturelle du soir, Europe 1 social club.

Ce ne sont pas les métaphores ampoulées qui manquent à Olivennes pour expliquer sa politique du renouvellement permanent : «Je suis un peu comme un sculpteur qui voit apparaître la statue qu'il avait imaginée», ou encore, «la fusée Europe 1 telle que je l'imagine a décollé il y a deux ans et on corrige la trajectoire», lance le patron, alors que la station tente toujours de renouer avec sa période glorieuse et des audiences plus prometteuses, après avoir perdu, en avril-juin 2010, son statut de troisième radio de France pour ne plus jamais le regagner.

Élastique. Depuis son arrivée à la tête du pôle médias de Lagardère il y a deux ans, les choix d'Olivennes enrayent la chute de la station de la rue François Ier, mais à peine. Avec 9 points d'audience cumulée dans les derniers relevés Médiamétrie (période avril-juin 2013), elle remonte de 0,3 point par rapport à l'année précédente. Mais elle est encore loin derrière ses concurrentes, NRJ (12,3%), RTL (12%) et France Inter (9,9%). Et, surtout, bien loin de l'objectif qu'il s'était lui-même fixé, atteindre les 10 points à l'échéance d'un «moyen terme», évalué à l'époque à trois années maximum, aujourd'hui plutôt estimé «entre trois et cinq ans». Un objectif élastique, donc, mais une volonté d'être «rigoureusement impertinents», ajoute Olivennes, insistant notamment sur la liberté laissée à une autre nouvelle tête de la radio, le député européen Daniel Cohn-Bendit, dorénavant à la tête d'une chronique intitulée Ça m'énerve, chaque matin à 7 h 55. Pas de quoi rééquilibrer les forces sur la station, où sévissent toujours la chroniqueuse Natacha Polony et l'éditorialiste ultralibéral Nicolas Barré, également directeur de la rédaction des Echos. Sans parler de l'arrivée de l'ex-présidente du Medef Laurence Parisot pour une émission hebdomadaire.

La cérémonie se poursuit avec, en lieu et place du Powerpoint de photos d'enfance des mariés, le mini-film hommage à Ruquier, qui fête cette année ses quinze ans de blagues faussement improvisées, avec remerciements et hommages larmoyants de ses chroniqueurs les plus fidèles. Les préférés de l'assistance journalistique, à en croire le résultat des votes, sont Pierre Bénichou et Olivier de Kersauson, avec respectivement 17% et 11% des voix (dommage, on avait voté pour Jean-Marie Bigard, foutue démocratie). D'autres voix restent bien accrochées à leur rocher : le dinosaure Jean-Pierre Elkabbach ou encore l'omniprésent Jean-Marc Morandini sont toujours dans leurs pénates respectifs, l'interview politique de 8 h 20 et le Grand direct des médias de 9 h à 10 h 30.

Mais que serait un mariage sans le discours à velléité comique du témoin éméché ? Comme chaque année, Nicolas Canteloup a clos la conférence de presse en pastichant le speech de ses patrons, jouant un Namias arriviste et un Denis Olivennes sinistre. «Bref, on veut pas des cons, on les laisse à RMC, on peut pas recevoir leurs auditeurs, on n'a pas de licence IV», a lancé le faux Olivennes. Le vrai, lui, n'aurait certainement rien contre l'idée de récupérer quelques auditeurs de la station d'Alain Weill, qui, un point derrière Europe 1, a clairement fait savoir la semaine dernière lors de sa propre conférence de presse qu'elle comptait bien la bouffer toute crue.

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