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Europe: L'amendement anti-Hadopi sous pression

L'amendement 138/46 est l'objet de discussions pour être supprimé ou totalement remanié. Aucun compromis n'a pour le moment été trouvé.
par Astrid GIRARDEAU
publié le 8 avril 2009 à 16h59
(mis à jour le 8 avril 2009 à 17h00)

A Bruxelles, la lente, mais intense lutte autour l'amendement 138/46 n'en finit pas. En jeu, la définition de l'accès à Internet comme un droit fondamental, que seule une «autorité judiciaire» peut restreindre. Cela empêcherait donc qu'une autorité administrative indépendante, telle l'Hadopi de la loi française Création et Internet, puisse couper la connexion des euro-internautes. En pleines élections européennes, la pression est de plus en plus forte au fil des semaines -- principalement des lobbys des télécoms et de la France -- pour supprimer ou vider cet amendement de son sens.

Mercredi dernier, le Coréper (qui regroupe les ambassadeurs des 27 Etats Membres et prépare les décisions du Conseil de l'Union Européenne) proposait ainsi une nouvelle version du texte . Le terme «autorité judiciaire » y est remplacé par «autorité légalement compétente» , ce qui permet donc d'englober des autorités telles l'Hadopi. De plus, le Coréper proposait de passer l'amendement du statut d'article à celui de considérant. Or le considérant n'a pas à être transposé en droit national.

N'acceptant pas cette version, le rapporteur, Catherine Trautmann, en a proposé hier une nouvelle (1). A la place de l' «autorité judiciaire» , on trouve cette fois un «tribunal indépendant et impartial» . Si le «tribunal» implique juge, les adjectifs «indépendant» et «impartial» sont plus vagues, et pourraient autoriser d'autres types d'autorités. Par contre, il est précisé que cela doit être fait «dans le respect du procès équitable tel que défini à l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme» . Or, cet article définit le droit à un procès équitable (présomption d'innocence, temps pour préparer sa défense, etc.).

Réuni hier soir, le Coréper l'a refusé. Selon nos informations, il s'est accordé sur un nouveau texte actuellement indisponible. Au cabinet de Catherine Trautmann, on dit attendre de l'avoir en mains pour se prononcer, et envisager éventuellement une dernière proposition à la Présidence. Aujourd'hui, le rapporteur se retrouve au centre de pressions multiples d'une part pour faire avancer le Paquet Télécom, de l'autre pour soutenir un amendement populaire, et symbole depuis des mois du rejet par le Parlement Européen (à 88%) du système de riposte graduée à la française. Le tout dans un climat d'élections. De son côté, Catherine Trautmann peut soit accepter le texte du Coréper, soit le refuser et faire pression pour arriver à une conciliation.

Si elle propose une nouvelle formulation, elle devra être revue en Coréper, dont la prochaine séance est fixé le mardi 21 avril au matin. Pour enchaîner sur un passage en Commission dès l'après-midi. La seconde lecture du Paquet Télécom en séance plénière, elle, est prévue autour du 4-7 mai. Des députés pourraient alors redéposer le texte original de l'amendement 138 (2) s'ils considèrent que la reformulation ne maintient pas les éléments-clés de l'amendement.

«Le Parlement ne laissera pas le Conseil sacrifier les droits fondamentaux des citoyens européens sur l'autel des intérêts économiques bien compris de quelques grandes multinationales , nous a indiqué l'euro-député Guy Bono co-auteur de l'amendement 138. L'éviction dans cet amendement de l'autorité judiciaire constitue une grave menace pour nos libertés publiques que nous ne pouvons cautionner.»

(1) Art 8 para 4 (fb) : Reconnaissant qu'Internet est essentiel pour l'exercice pratique de la liberté d'expression, l'accès à l'éducation et l'information, aucune restriction ne peut être imposée sur ces droits fondamentaux sans la décision préalable prise par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi et agissant dans le respect du procès équitable tel que défini à l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, sauf en cas de menace à la sécurité publique où la décision peut intervenir postérieurement.

(2) Amendement 138 : « en vertu du principe selon lequel aucune restriction aux droits et libertés fondamentales des utilisateurs finaux ne doit être prise sans décision préalable de l’autorité judiciaire en application notamment de l’article 11 de la charte des droits fondamentaux, sauf en cas de menace à la sécurité publique où la décision judiciaire peut intervenir postérieurement »

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