Europe : Le retour en force de l'amendement anti-riposte graduée

par Erwan Cario
publié le 21 avril 2009 à 18h22
(mis à jour le 21 avril 2009 à 23h13)

Joli suspense autour de l'amendement 138 du Paquet Télécom au Parlement européen. Petit rappel pour ceux qui n'auraient pas tout suivi. En septembre dernier , les eurodéputés ont massivement voté (à 88%) en première lecture un amendement déposé par Guy Bono, Daniel Cohn-Bendit, et Zuzana Roithová qui stipulait qu' « aucune restriction aux droits et libertés fondamentales des utilisateurs finaux ne doit être prise sans décision préalable de l'autorité judiciaire » . Ce texte devant être transposé au niveau national, il envoyait le système français de riposte graduée et l'Hadopi, simple autorité administrative, aux oubliettes. Mais, pour cela, il faut qu'il soit confirmé en seconde lecture. Elle aura lieu en séance plénière début mai. Avec un premier vote aussi clair, on pouvait penser que c'était joué d'avance.

Mais ce n'est pas aussi simple. Depuis septembre, les discussions vont bon train, et le texte se promène beaucoup. Il est même rejeté en novembre, sous la pression de la France, par le conseil européen des ministres télécoms, puis réintroduit début mars sous le numéro 46. Mais la version définitive du texte est alors loin d'être tranchée. Il faut en effet que la rapporteuse du Paquet Télécom, Catherine Trautmann, trouve un consensus dans un "trilogue" (selon le terme en vigueur pour désigner un dialogue à trois) avec la Commission européenne, la Présidence du Conseil. Et la pression pour vider ce texte de sa substance est très forte .

Début avril, le Coréper (qui regroupe les ambassadeurs des 27 Etats Membres et prépare les décisions du Conseil de l'Union européenne) propose même une version où l'autorité judiciaire laisse la place à une très floue « autorité légalement compétente » sujette à toutes les interprétations possibles et change même le statut du texte en simple considérant, qui n'a pas à être transposé. Autant dire un tapis de fleurs pour la loi Création et Internet. Mais les discussions sont loin d'être terminées.

En fin de semaine dernière, le trilogue semble se diriger vers un consensus autour une notion de «tribunal indépendant et impartial» mais avec, toujours, un statut de considérant. C'est d'ailleurs l'information diffusée ces dernières heures . Mais un petit retournement de situation, ça ne fait jamais de mal.

Ce matin donc, suite à un revirement de la part du groupe libéral (ALDE), la perspective d'un consensus s'est envolée. Le texte qui sera donc voté ce soir en commission ITRE (Industrie, Transport, et Energie) pour être ensuite présenté en séance plénière (début mai, vous suivez?) sera... l'amendement 138 dans sa forme originale votée en septembre. Et sous la forme d'un article. A transposer donc. On est bon, là, c'est fini ?

Non, pas vraiment. Parce que, on l'a compris, l'amendement 138, c'est un peu la patate chaude du Paquet Télécom. Du coup, ce qui va être voté, c'est donc un mandat donné à Catherine Trautmann pour un ultime round de négociation avec les autres instances avant début mai. Ce qui est sûr : ce ne sera pas un considérant. Ce qui l'est moins : la teneur du texte final. Il est encore possible de voir réapparaître le «tribunal indépendant et impartial» à la place de «l'autorité judiciaire» . D'après l'entourage de Catherine Trautmann, la transposition en droit national ne fait aucun doute : on parle bien d'une instance judiciaire. D'autres sont moins sûrs et craignent une interprétation un peu tirée par les cheveux qui ferait entrer l'Hadopi dans la case.

Ironie du calendrier, le texte final sera connu le 29 avril. Date du début du deuxième passage de la loi Création et Internet à l'Assemblée nationale.

Mise à jour 23h28 : L'amendement 138 (aujourd'hui 46) a été voté en commission ITRE par 40 voix pour, 4 contre et 2 abstentions. Dans un communiqué, la rapporteuse se félicite et met les membres du Conseil en garde : «Catherine TRAUTMANN, forte de ce mandat qui est en même temps un signal très fort sur la volonté du Parlement de pouvoir légiférer sur les droits et libertés des internautes, souhaite continuer à échanger avec la Présidence mais met dès à présent le Conseil face à ses responsabilités et jugerait inacceptable que les avancées proposées par le Paquet télécom soient mises en péril du fait de la mauvaise volonté de ce dernier sur ce seul amendement.»

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