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Libération

Evan Williams (Twitter) : «Les blogs sont une forme naturelle d'expression sur le web»

par Erwan Cario et Sébastien Delahaye
publié le 13 décembre 2007 à 14h02

Blogueur américain, Evan Williams , 35 ans, est aussi le co-créateur de Blogger.com, un outil de publication très utilisé sur le net, racheté en 2003 par Google. Plus récemment, il a créé Twitter , un outil de blog simplifié à l'extrême. Entretien à l'occasion de la conférence Leweb3.

Vous avez créé Blogger, l'avez vendu à Google, puis avez quitté Google. Pourquoi?

_ Je suis quelqu'un qui a besoin de travailler dans une petite entreprise, avec plus d'indépendance. Google était vraiment un bon endroit pour travailler, et j'y ai beaucoup appris. J'ai travaillé avec des gens plus intelligents que jamais auparavant. Mais au bout d'un moment, en terme de créativité, je n'étais plus aussi utile dans Google que je l'aurais été dans une autre entreprise. Blogger était devenu une plate-forme stable et il avait besoin de ce genre de grosse entreprise, où il y a de l'innovation, mais de manière très méthodique. J'aurais sûrement pu faire autre chose dans Google, mais j'étais plus heureux en démissionnant. Ca me correspondait mieux.

Vous avez fondé Odeo, une entreprise de podcasts...

_ Oui, juste après avoir quitté Google, j'ai co-fondé Odeo, qui n'a pas marché comme on l'espérait. Et environ un an et demi plus tard, j'ai lancé Twitter.

Malgré l'échec d'Odeo, vous croyez toujours aux podcasts ?

_ Oui, bien sûr que je crois aux podcasts! La vision d'avoir du contenu généré par les utilisateurs est là. Odeo travaillé là-dessus et n'a pas réussi à le faire marcher. On pensait qu'il suffirait d'une courte période de temps, et nous avions tort. La technologie était là, le potentiel aussi, et de même pour le buzz... Mais il y avait besoin de plus de temps que prévu pour que ça se réalise vraiment, et les annonceurs ont été déçus. Mais c'est un domaine où il y a toujours beaucoup à faire. On arrivera à un moment où les podcasts seront un média unique, avec des qualités propres. Pour l'instant, il y a encore des problèmes de simplicité d'accès et de disponibilité. Mais en face, la radio est très faible en termes de contrôle par les utilisateurs, et c'est quelque chose que permet le podcast. Avec de plus en plus d'internautes, ça finira par marcher. Et je pense que ça commence...

La simplicité d'accès, c'est aussi ce qui semble être la base de Twitter, votre nouvel outil...

_ C'est vrai, on a commencé par retirer beaucoup de fonctionnalités du blog classique. Mais au bout d'un moment, il faut en remettre doucement, sans pour autant compliquer l'expérience de l'utilisateur. Le but, c'est de commencer un projet de façon simple, et ensuite de l'approfondir, mais pas de l'élargir.

Vous avez co-fondé Blogger, l'une des premières plate-formes de blog, puis Twitter, la principale plate-forme de microblogging. Et ensuite?

_ Je ne dirige pas Twitter. Je suis toujours dans l'entreprise, mais c'est le PDG, Jack Dorsey, qui dirige l'équipe et qui a eu l'idée du service. Je file un coup de main quand je peux, mais j'ai beaucoup de temps pour réfléchir... Pour répondre à votre question, je ne sais pas encore, mais j'ai bien quelques idées...

C'est en rapport avec la mobilité ? Cela semble être l'un des axes importants du moment, notamment pour Twitter.

_ Je n'en suis pas sûr. Ce serait idiot d'ignorer l'Internet mobile, parce que c'est quelque chose qui avance très vite. Mais pour l'instant, je m'intéresse à des choses plus banales, comme la productivité. Une partie mobile est envisageable, mais ce n'est pas la priorité.

Sur ces cinq dernières années, qu'est-ce qui vous a vraiment marqué sur le net ?

_ Il y a tant de choses... Il y a quatre ans et demi, Blogger était racheté par Google. J'ai du mal à m'imaginer que ça fait déjà presque cinq ans. Depuis, de nombreux concepts déjà existants ont été légitimés et se sont ouverts au public. Les blogs par exemple. Mais il y a encore du chemin à faire. Il y a plein d'idées que nous avions à l'époque qui commencent à se réaliser. Et il y a des milliers d'entreprises prêtent à aider les gens à créer des contenus sur le net. C'est un domaine où Internet permet de faire tant de choses... N'importe qui peut publier quelque chose instantanément, et ça peut être lu partout dans le monde. J'aime vraiment cette idée.

Aujourd'hui, les blogs sont part importante de l'activité du net, et vous avez aidé à les rendre populaires. Qu'est-ce que vous en pensez aujourd'hui ?

_ Je suis vraiment fier du travail accompli par Blogger. A l'époque, nous avons eu la chance d'être au bon endroit au bon moment. Les blogs sont une forme naturelle d'expression sur le web. Tous les médias, Internet compris, sont passés par une période d'imitation de l'existant, avant de découvrir ce qu'ils peuvent vraiment faire. Le web peut vraiment faire beaucoup de choses, et les blogs en sont l'exemple parfait. Je suis toujours surpris de voir la presse ou la télé parler de blogs... A une époque, ç'aurait été impossible. En 1999, mon blog était l'un des plus populaires sur le web, et aujourd'hui, ce n'est plus du tout le cas. Les gens se sont appropriés l'outil de publication et se sont beaucoup améliorés.

Encore faut-il que les gens aient le droit de s'exprimer...

_ Je n'en avais pas vraiment conscience au début. Mais c'est un problème récurrent pour ma génération aux Etats-Unis. La liberté d'expression est un sujet de plus en plus sensible dans le monde entier. Il y a des gens emprisonnés pour avoir blogué... Mais, dans un sens, c'est très satisfaisant de savoir que nous aidons les gens à s'exprimer et à faire connaître leurs opinions. C'est très important pour moi.

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