P2P: Le net belge bientôt filtré ?

En Belgique, un fournisseur d'accès devra empêcher ses clients d'échanger des fichiers illégaux sur les réseaux peer-to-peer.
par Christophe GUERIT
publié le 12 juillet 2007 à 18h40

«Nous condamnons la SA Scarlet Extended à faire cesser les atteintes au droit d’auteur en rendant impossible toute forme, au moyen d’un logiciel peer-to-peer, d’envoi ou de réception par ses clients de fichiers électroniques reprenant une œuvre musicale du répertoire de la SABAM.»

Cette décision, rendue fin juin par le tribunal de première instance de Bruxelles, a clôturé un feuilleton judiciaire vieux de plusieurs années opposant la SABAM, l'équivalent belge de la SACEM, au fournisseur d'accès à internet (FAI) Tiscali, racheté depuis par l'entreprise de télécommunications Scarlet. En s'attaquant non pas directement les utilisateurs adeptes du téléchargement illégal mais leur fournisseur d'accès, le juge a ouvert une brèche qui pourrait faire long feu ou boule de neige, selon les interprétations.

Petit retour en arrière : fin 2004, le tribunal reconnaît la responsabilité du FAI dans des atteintes aux droits d'auteurs envers la SABAM et mandate un expert pour une étude technique. Début 2007, cet expert est à même de présenter un éventail de mesures utilisables pour bloquer ou filtrer l'accès des internautes aux plates-formes d'échange peer-to-peer. Le procès peut donc reprendre et livre son dernier épisode fin juin, avec la condamnation retranscrite ci-dessus; Scarlet bénéficie d'un délai de six mois pour s'y conformer mais dispose de toute latitude dans le choix de la solution technique à adopter.

Reste à savoir l'impact que pourrait avoir cette décision au-delà des frontières belges. Que se passerait-il si elle faisait jurisprudence? «Si tous les FAI belges adoptaient les mesures techniques proposées par le rapport d'expertise afin que les logiciels P2P ne puissent plus être utilisés pour échanger des œuvres protégées, il serait mis fin au trafic illicite» , explique un communiqué de la SABAM. De quoi donner des idées à certains.

A commencer par la France, où Marc Guez, le Directeur Général de la Société Civile des Producteurs Phonographiques (SCPP), se réjouit ouvertement : «c'est une décision très importante. L'analyse technique qui a été faite a une vocation européenne, on imagine mal que ce qui est vrai en Belgique soit différent en France. Alors pour la suite, soit c'est la justice qui l'ordonne, soit les FAI le font d'elle-même.»

Du côté des fournisseurs d'accès français, on fourbit ses armes en dénonçant la validité du verdict. «Le raisonnement juridique est très surprenant, à beaucoup de titres» , estime Dahlia Kownator, la déléguée générale de l'AFA (Association des Fournisseurs d'Accès et de Services Internet). «Les motivations du juge sont fragiles juridiquement et techniquement. Et l'inefficacité du filtrage n'est plus à démontrer.» En résumé, «pour avoir la même chose en France il faudrait d'abord qu'il y ait jugement. Et ça ne passerait pas.»

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