Facebook : Fincher n’est pas un ami

L’entreprise observe avec méfiance les effets de ce biopic non autorisé.
par Fabrice Rousselot, De notre correspondant à New York
publié le 12 octobre 2010 à 0h00

Quelques jours avant la sortie américaine de The Social Network, le 1er octobre, Mark Zuckerberg, pas forcément un habitué des plateaux de télévision, s'est fendu d'une apparition sur le Oprah Winfrey Show, l'une des émissions les plus populaires aux Etats-Unis. En compagnie de Cory Booker, le maire de Newark, le fondateur de Facebook a révélé qu'il était prêt à donner 100 millions de dollars (71 millions d'euros) aux écoles de la ville du New Jersey. Les deux hommes ont expliqué comment ils avaient sympathisé et comment Zuckerberg avait décidé d'aider Newark, en mal de financements structurels, sous les applaudissements nourris du public.

Guerre. L'annonce surprise a fait la une de la presse, mais pas forcément avec l'effet escompté. Nombre de journaux se sont demandé si le geste de Zuckerberg ne dissimulait pas une opération de «damage control» avant l'arrivée du film sur les écrans. En clair, un bon coup de pub pour répondre à un film que Facebook n'apprécie guère et dont la compagnie estime qu'elle donne une image «négative et erronée» de son fondateur. Le projet est en fait à l'origine d'une guerre larvée entre Facebook et l'équipe du film depuis des mois. Au centre de la bataille, la décision prise par la production de construire le film à partir d'un livre sorti à l'été 2009, The Accidental Billionaires. Ecrit par le journaliste Ben Mezrich, l'ouvrage rend compte de l'inépuisable controverse sur l'origine de Facebook, en se basant notamment sur les témoignages des trois anciens amis de Zuckerberg à Harvard, qui l'ont accusé d'avoir volé leur idée de créer un réseau social mettant en relation tous les étudiants de l'université. Le résultat est un film dans lequel Zuckerberg n'est pas vraiment à son avantage.

Durant la préparation, Facebook et l'un des producteurs du film, Scott Rudin, ont tenté de trouver un terrain d'entente. Plusieurs représentants de la compagnie californienne ont eu accès au script et Facebook a livré de nombreux éléments biographiques sur Zuckerberg au scénariste Sorkin. La collaboration s'est avérée infructueuse. Lors d'une préprojection, Elliot Schrage, directeur de la stratégie de Facebook, a fait savoir qu'il n'était pas content de ce qu'il venait de voir et que tout cela «n'était pas très sympathique» pour Zuckerberg. L'affaire a pris d'autant plus d'ampleur qu'à 26 ans Zuckerberg a toujours su entretenir un certain mystère sur sa personnalité et qu'il a jusque-là contrôlé de façon serrée sa com. Habitué aux controverses à répétition, notamment quant à sa propension à exploiter un peu vite les données privées de ses 500 millions «d'amis», il a toujours répondu par communiqué interposé ou par message sur sa page Facebook. Sans jamais vraiment s'exposer.

«Gamin».«On peut comprendre que Facebook ne soit pas très heureux», explique David Kirkpatrick, l'un des rares journalistes à avoir eu un accès direct à Zuckerberg et à ses collaborateurs pour son livre, The Facebook Effect.«Selon moi, le film n'est vrai qu'à 40%, ce qui signifie qu'il est faux à 60%. On présente par exemple Zuckerberg comme un garçon constamment en colère qui crée Facebook pour se venger de sa copine. C'est totalement inventé. Zuckerberg est un gamin un peu plus intéressant que cela, qui a une vraie vision du monde.» Facebook, basé à Palo Alto, n'a pas caché être inquiet à l'idée que le film puisse avoir des conséquences sur sa future introduction en Bourse, évaluée à 20 milliards de dollars.

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