Facebook dans ta face

par Camille Gévaudan
publié le 9 juin 2011 à 18h18

Depuis le temps qu'on vous décortique et analyse tous les petits coups bas de Facebook, cette interrogation surprise ne devrait pas vous prendre au dépourvu. Rangez vos cahiers, éteignez vos portables.

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Contrôle

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Q 1. Comment réagir quand un nouveau billet du blog officiel de Facebook annonce une nouvelle fonctionnalité pour «une meilleure expérience» ou «plus de facilité» ?

P1 Enthousiaste, on s'empresse de la tester avec des données sensibles, type photos de la soirée de samedi dernier ou mails piratés du boss de sa boîte|Ha ha, très drôle...

P2 Soupçonneux, on court regarder si Ecrans a fait un article comprenant à la fois les mots-clés «vie privée» et «polémique» -- auquel cas on commence à s'inquiéter|C'est gentil mais un peu fayot, tout de même.

P3 Blasé, on sort son dictionnaire Facebook/Français et on interprète l'annonce ainsi : Facebook sort une nouvelle fonctionnalité pour «moins de contrôle sur ses données personnelles» et «plus d'infos à revendre aux régies publicitaires»|Brave lecteur :')

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Cette semaine, Facebook nous informe donc très fièrement que sa fonction de reconnaissance faciale vient de débarquer sur le réseau dans «la plupart des pays du monde» , après une phase de test réservée aux États-Unis. On calme immédiatement sa paranoïa en lisant la suite du billet : non, il ne s'agit pas de scanner l'expression de son visage par webcam pour laisser Facebook poster automatiquement un statut «humeur du jour» sur son wall, même si cette idée diabolique est sans doute déjà dans leurs cartons. Les Tag Suggestions se contenteront de reconnaître les visages humains sur les photos pour suggérer le nom de leur propriétaire. Inutile ainsi de «tagger» ses amis à la main ; Facebook se charge de tout. Des yeux verts et un gros nez ? Ce doit être Angélique Duschmoll, proposera automatiquement le réseau bleu quand on uploadera une image. Il suffira alors de cliquer sur «oui» et le nom sera associé. Wouah, trop facile !

La reconnaissance faciale de Facebook fonctionnera exactement comme les quelques logiciels qui proposent déjà ce type d'outil (Picasa ou iPhoto, par exemple). Il faudra d'abord aider le programme à faire son apprentissage, en lui donnant le nom des visages qu'il a présélectionnés. Une fois sa base de données remplie, il saura faire ses premières suggestions avec plus ou moins de pertinence.

Voilà qui règle le gros problème qui préoccupait l'équipe de développement du réseau social depuis de nombreux mois. Imaginons qu'un membre un peu trop flemmard choisisse de ne pas tagger ses connaissances dans les photos qu'il met en ligne... Lesdites photos restent alors invisibles sur le profil des intéressés, et leurs centaines d'«amis» se retrouvent privés de la joie de fouiller dans leur vie privée ! C'était vraiment trop bête. Mais maintenant que le tagging est «plus facile» , le nombre de personnes associées à des photos uploadées à leur insu et sans leur accord devrait logiquement augmenter.

Comme d'habitude avec Facebook, la nouveauté n'est pas en «opt-in». Tout le monde est inscrit d'office au programme de reconnaissance faciale, et les quelques rabat-joie qui s'y opposent devront aller décocher un petite case dans leurs options de confidentialité. Ca se passe sur cette page et oui, c'est compliqué. L'entreprise de sécurité Sophos remarque d'ailleurs pertinemment que «la plupart des utilisateurs de Facebook ne savent toujours pas comment définir les options de confidentialité, et trouvent l'ensemble du système confus.»

Il faut trouver la ligne «Suggérer à mes amis les photos où j'apparais» , cliquer sur «Modifier les paramètres», puis cliquer sur «Activer», et choisir «Désactivé».

À moins, bien sûr, de trouver tout à fait normal et rassurant qu'une bande de geeks californiens disposent d'un outil capable de reconnaître 10% de la population mondiale dans n'importe quelle photo.

Ce n'est pas le cas de Marc Rotenberg , président de l'Electronic Privacy Information Center (EPIC) : «les membres de Facebook croient qu'ils sont simplement en train de tagger leurs amis, mais en réalité, ils alimentent une base de données d'images permettant d'automatisation la reconnaissance automatique des internautes.» Il déposera aujourd'hui ou demain une plainte auprès de la Federal Trade Commission, qui veille à l'application du droit de la consommation aux Etats-Unis.

Le président de la CNIL luxembourgeoise Gerard Lommel a également fait savoir que le groupe Article 29, qui regroupe les représentants des 27 équivalents européens de la CNIL, étudie ce dossier en profondeur pour vérifier sa conformité aux règles de l'Union européenne.

On peut déjà conclure qu'il n'est pas conforme aux promesses de Mark Zuckerberg , qui chaussait récemment sa plus belle auréole pour jurer de «dialoguer avec chaque personne qui se sent concernée par l'avenir de Facebook» avant de sortir «trop vite» des nouveautés polémiques.

L'œil des taïwanais de NMA.tv, toujours très inspirés

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