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Libération

Facebook en bourse : «Pas sûr que Zuckerberg garde la main»

par Dominique Albertini
publié le 2 février 2012 à 12h52

Comme prévu, Facebook a entamé les démarches nécessaires à son introduction en bourse. Le réseau social pourrait se voir valorisé à hauteur de 100 milliards de dollars. Explications avec Raphaël Suire, maître de conférences à Rennes-1 et spécialiste de l'économie numérique.

Comment détermine-t-on la valeur d'un réseau social ?

_ D'une part, il y a un critère commun à tous les réseaux sociaux : le nombre d'usagers. Sur Facebook, ils sont entre 800 et 850 millions, un niveau inédit : si c'était un pays, il sera le troisième plus peuplé au monde. D'autre part, il y a le modèle économique, la façon de monétiser ces usagers. Tous les réseaux sociaux ont essayé de trouver la bonne formule, peu y sont parvenu -- voyez l'échec retentissant de Myspace. Avec Facebook, on pressent un modèle plus stable, que ses dirigeants ont pris le temps de mettre à l'essai.

Qu'est-ce que cette introduction en bourse peut changer à la gouvernance de l'entreprise ?

_ Jusqu'à présent, le fonctionnement de Facebook était assez opaque, ils n'avaient jamais publié quoi que ce soit sur leur modèle et leurs comptes. Cette introduction en bourse sera pilotée par de grosses banques, notamment Goldman Sachs. Le ticket d'entrée sera très élevé. Il est donc possible que, dans un premier temps, on reste entre gentleman de haut rang, avec un fort risque d'ingérence dans la gestion de l'entreprise. Il n'est pas dit que Zuckerberg conservera la pleine main opérationnelle.

Facebook créé-t-il vraiment de la richesse ?

_ Oui, dans la mesure où il a des employés qui reçoivent des salaires. Sans compter les emplois indirects, notamment dans le webmarketing chez les annonceurs. A côté, il y a une toute une économie alternative qui se développe, avec la vente de produits numériques payés en monnaie virtuelle qui doit être achetée par les internautes. Un phénomène qui existait déjà par ailleurs, par exemple avec Second Life .

Faut-il craindre une nouvelle bulle numérique, suivie d'un retournement brutal ?

_ Il y a toujours eu de l'emballement autour des valeurs numériques. Des entreprises comme Flickr, Myspace, ont été rachetées pour des sommes impressionnantes, mais n'ont jamais trouvé la voie pour péréniser leur modèle économique. Et les introductions en bourse ont parfois mal tourné. La force de Facebook est d'être une très grosse plateforme, plus en amont. Le principal risque serait un retournement des usagés, qui s'indigneraient de l'utilisation commerciale de leurs données personnelles, à leur insu. D'autant que Google+ reste en embuscade.

Facebook est-il trop dépendant des recettes publicitaires ?

_ L'une des forces de ce réseau est son ouverture à des développeurs tiers. Il héberge énormément d'applications qui ont adossé tout leur modèle économique à Facebook et ont trouvé leur niche de monétisation, comme le créateur de jeu Zynga, qui propose d'acheter de la monnaie virtuelle utilisée à l'intérieur de ses différentes applications. Et Facebook touche aussi de l'argent sur ce genre de transactions .

En se bardant d'applications et autres services, Facebook finira-t-il par «englober» le web, ?

_ C'est juste. Il y a entre les géants du secteur une compétition pour devenir le portail d'entrée du web et proposer un «tunnel de navigation» à l'intérieur d'Internet. Google, notamment, est sur la même stratégie.

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