Facebook: l'Allemagne met les recruteurs dos au mur

par Fabien Soyez
publié le 2 septembre 2010 à 17h43
(mis à jour le 2 septembre 2010 à 17h48)

Imaginez. Confortablement assis devant votre futur employeur, vous avez tout prévu : les questions pièges, celles sur vos hobbies, vos motivations. Mais, soudain, le recruteur déballe devant vous des informations que vous pensiez privées. Une photo de vous, une bière à la main, ou un slip sur la tête.

Selon un sondage de 2009 mené par Harris Interactive , 45% des employeurs américains utilisent les réseaux sociaux pour rechercher des informations sur les candidats à l'embauche. En France, une étude du site RegionsJob révélait en mai que 47% des DRH utilisent les réseaux sociaux pour repérer des profils intéressants. C'est pour empêcher ce genre de dérive qu'en Allemagne, le gouvernement a approuvé, le 1er septembre, un projet de loi visant à protéger la e-réputation des candidats.

Principe : interdire aux patrons de chercher trop loin sur la Toile et d'y pister leurs futurs salariés. Le projet de loi, qui attend d'être adopté ou non par le Bundestag, devrait aussi protéger les travailleurs déjà embauchés des chasseurs de tête. «Il faut un juste équilibre entre les intérêts des salariés et ceux des employeurs. Les patrons ne doivent pas devenir des espions» , lançait mercredi Thomas de Maizière , le ministre de l'Intérieur à l'origine du texte. «L'objectif de cette loi, c'est d'empêcher que des informations privées deviennent publiques, et qu'il y ait des gens mis à l'écart, des moutons noirs.» Pas de place donc pour la discrimination virtuelle.

Si la loi passe, les recruteurs pourront faire des recherches concernant le candidat sur Google ou sur les réseaux sociaux spécifiquement dédiés, comme LinkedIn ou Viadeo. Mais celui qui sera pris à consulter le profil Facebook d'un demandeur d'emploi sera passible d'une amende. Seulement, encore faut-il que l'infiltration soit prouvée. «La question est de savoir comment on empêchera un patron d'utiliser son compte privé Facebook pour afficher les photos ou les infos d'un candidat» , remarque Stefan Sweiz, spécialiste du droit du Travail au cabinet d'avocat Schluetter Bornheim, dans le Wall Street Journal . «Si cette loi est votée, elle risque d'être un texte législatif de pure façade» , explique à L'Atelier , Olivier Itéanu, avocat spécialisé dans les nouvelles technologies de l'information.

Facebook, la protection de la vie privée, ces thèmes sont au cœur du fameux «droit à l'oubli» défendu depuis plus d'un an par Nathalie Kosciusko-Morizet, la secrétaire d'État chargée du développement de l'économie numérique. «On devrait pouvoir faire des bêtises à 19 ans et ne pas être, plus tard, confronté à tous ses actes» , défendait déjà Alex Türk, président de la CNIL en septembre 2008. Une «charte de bonne conduite» a depuis été signée par une cinquantaine de cabinets de recrutement, pour le respect de la vie privée sur les réseaux sociaux.

Mais attention à ne pas tout mettre sur le dos de Facebook. Sur son blog , NKM remarque : «Il faut garder en tête que toute donnée mise en ligne sur Internet nous échappe, même lorsque l'on croit qu'elle est réservée à un cercle privé d'amis.» Point de vue que partage A_citizen_erased, dans les commentaires du blog du Monde.fr, Big Browser : «Le problème, c'est surtout qu'il y a des gens assez cons pour balancer des infos sur un profil ouvert ou pour accepter des amis qu'ils ne connaissent pas. La solution, c'est peut être de quitter Facebook.»

Quoi qu'il en soit, rassurez-vous : en France, «la e-réputation est une information complémentaire, qui n'est pas prise au premier degré par les recruteurs» , croit savoir Gwenaëlle Hervé, de Regionsjob. Du moins, pas encore. En attendant, en Allemagne, une entreprise a posté une offre d'emploi sur son site. Elle recherche un manager spécialisé dans les questions de vie privée. Le nom de cette boîte ? Facebook .

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