Facebook : le Web à crédits

par Erwan Cario
publié le 28 octobre 2011 à 12h32
(mis à jour le 28 octobre 2011 à 12h47)

Le modèle économique de Facebook est basé, on ne le sait que trop, sur la publicité ciblée. Très ciblée. A tel point, nous l'avons vu récemment , que le réseau social s'en voudrait d'effacer la moindre information concernant ses utilisateurs, de peur sans doute de perdre quelques précieux indices nécessaires pour afficher une réclame pertinente. Un modèle qui devrait rapporter 3,8 milliards de dollars en 2011, soit 89% du chiffre d'affaires de Facebook. Si elle reste très importante, cette part de la publicité est en diminution : en 2009 elle était de 95% (pour 738 millions de dollars) et en 2010, de 93% (pour 1,86 milliards de dollars). Cette baisse (en pourcentage, s'entend) vient notamment de l'importance prise par une nouvelle source de revenu : les crédits Facebook, un système de paiement que le réseau veut étendre au reste du Net.

Cette monnaie virtuelle mise en place en version alpha en mai 2009 s'est installée sur le réseau social dans sa forme définitive en janvier 2011. Elle est principalement utilisée dans les jeux présents sur la plateforme. Ces jeux sont pour la quasi totalité gratuits d'accès, mais en achetetant quelques crédits, l'utilisateur peut obtenir des avantages, qu'ils soient purement cosmétiques ou permettent de débloquer les limitations de temps de jeu. Le taux de change actuel est de 10 crédits pour 1 dollar (0,75 euros). Et sur les achats en crédits, Facebook prélève sa part de 30%, un pourcentage similaire à celui que perçoit Apple sur les ventes d'applications. depuis le 1er juillet dernier, toutes les applications proposant des options payantes sur Facebook ont d'ailleurs l'obligation de proposer la possibilité de payer en crédits, même s'ils peuvent encore proposer d'autres moyens de paiement.

Avec près de 500 millions de dollars, le chiffre d'affaire issu des crédits est donc loin d'être négligeable. Mais ce serait trop dommage de s'arrêter là. Surtout maintenant que le réseau social, notamment grâce à la fonctionnalité «Facebook Connect», commence à s'exporter sur le web (ou de ramener le web à lui, c'est selon). D'où l'annonce mise en ligne le week-end dernier sur le blog des développeurs : «Nous avons commencé à travailler avec quelques développeurs pour tester la possibilité d'offrir (sic) Facebook Credits aux sites web, dans le but de les aider à offrir une expérience plus unifiée aux utilisateurs d'applications, au-delà des applications Facebook» .

La stratégie est plutôt transparente : le réseau social lorgne sur le marché des micro-transactions à l'intérieur même des applications web et mobile et compte sur sa monumentale base d'utilisateurs (plus de 800 millions aux dernières nouvelles) pour devenir très vite incontournable. Car une fois les comptes remplis de crédits, le fait d'en dépenser quelques uns de manière compulsive ne devrait pas effrayer les utilisateurs. Il faut juste que les intermédiaires soient suffisamment séduits pour avaler la pilule des 30%. Ce qui semble loin d'être gagné, la commission étant particulièrement élevée pour un simple moyen de paiement. Paypal, de son côté, se «contente» d'un prélèvement situé entre 2% et 4% selon les opérations (plus, parfois, une partie fixe de 0,35€). Et ce dernier n'est pas si simple à déloger. Google, par exemple, n'y est pas arrivé malgré une politique très agressive au lancement de son service CheckOut (aucune commission prélevée entre 2006 et 2008).

Pour Facebook, on peut aussi imaginer que ce système permettra une fois de plus d'améliorer le ciblage de ses utilisateurs. Savoir ce pour quoi ils ont déjà payé est en effet une information précieuse pour deviner leurs achats futurs. Pour l'instant, le système ne fonctionne que sur une seule application. Un jeu, forcément : Collapse! Blast Online de Games House. Mais si le système fonctionne et que le PIB de Facebook augmente dans les prochains mois (car avec une monnaie locale bénéficiant d'un taux de conversion, on n'en sera pas très loin), rien n'empêche d'imaginer l'adaptation de ce système pour tous les produits numériques comme la VOD, la musique, ou les actualités.

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