Facebook, le grand bug des utilisateurs

par Erwan Cario
publié le 25 septembre 2012 à 19h32
(mis à jour le 25 septembre 2012 à 22h31)

Alors, on croit Facebook sur parole ou pas ? Petit rappel des faits. Suite à un article sur le site de Metro France intitulé Facebook : d'anciens messages privés publiés sur la Timeline publié en milieu d'après-midi hier, le petit monde du web français est entré en ébullition. Une fois au courant, il faut aller voir ça de plus près. On commence par remonter dans son Journal (nom français de la «Timeline») jusqu'en 2009 (ou 2008, ou 2007 pour les plus courageux/curieux), et on inspecte le bloc intitulé «Amis 2009». On cherche alors dans les messages, si parmi les «Wesh bon anniversaire mec» se cache une correspondance à caractère privé. Qu'on ait trouvé un message suspect ou non, on va ensuite sur le journal de ses amis faire la même vérification. Tiens, «Hello, ça te dit, une bière, ce soir ?» . Hum, un début de piste ? Mais inutile de se voiler la face, pour être vraiment sûr, on veut du croustillant, du sous-entendu sexuel flagrant (genre «Quand je rentre je me couche. Trop épuisé. Avec toi?» ) ou alors de la médisance caractérisée ( «Ah ah, t'es ami avec ce boulet d'Erwan!» ).

Mais rien a signaler de ce côté-là. On continue de scruter. D'autres échanges bizarres, des private jokes, des phrases qui semblent sorties de leur contexte, un joli faisceau d'indices, mais toujours pas de preuve irréfutable. A Libération , on commence quand même à y croire. Et comme la quasi-totalité de nos confrères, on relaie la théorie de Métro . Et patatras, vers 20h30, un communiqué de Facebook : « ces messages étaient en réalité d'anciens messages postés sur les murs qui ont toujours été visibles sur les profils des utilisateurs. [...] Il n'y a aucune atteinte à la vie privée des utilisateurs.» C'est la stupeur. Aurions-nous donc tous rêvé ? Autant de témoins -- et ils étaient nombreux, sur Twitter par exemple -- de ces apparitions de messages privés peuvent-ils tous se tromper ?

Peut-on avoir confiance en Facebook ?

Non, bien sûr que non. Mais dans ce cas précis, on a un peu de mal à imaginer le réseau social sortir un énorme bobard pour se dédouaner. Difficile pour autant de répondre de manière catégorique pour une raison simple : nous n'avons pas accès aux serveurs de l'entreprise californienne. Le fait que tous les utilisateurs ou presque confient leurs statuts, leurs messages publics et privés, leurs conversations en temps réel ou leurs photos du petit dernier à une société privée comme Facebook les laissent à la merci d'une modification technique ou -- c'est déjà arrivé et ça arrivera encore -- d'un changement dans les conditions générales d'utilisation ou les paramètres de confidentialité. Mais il s'agirait ici d'un bug, un changement involontaire de la part de Facebook. Et au niveau informatique, une opération qui, par inadvertance, aurait complètement changé les propriétés d'un message privé est improbable. Renaud Guérin, ancien développeur chez Facebook, le confirme à Numérama : «Techniquement Timeline et Messages sont stockés sur des systèmes complètement différents. Quand j'ai entendu les rumeurs, j'ai eu du mal à comprendre comment c'était possible, même en le faisant exprès» .

L'histoire, qui est restée hier très française, n'est de plus que la répétition d'une rumeur similaire qui avait ému la Finlande en décembre 2011 . Facebook avait d'ailleurs répondu avec le même communiqué. Mot pour mot . Mais quel est le point commun entre septembre 2012 et décembre 2011 ? Le Journal, bien sûr, qui venait, à la fin de l'année dernière, d'être rendu accessible aux utilisateurs.

Cette hallucination collective peut-elle s’expliquer ?

«En une poignée de secondes, c’est toute une vie qui remonte à la surface de la Toile et s’expose indécemment aux yeux des curieux ayant accès au profil. Il va falloir assumer... ou faire le ménage.»

C’est ce que nous écrivions début février à propos du passage du mur Facebook au nouveau système de Journal (

). A l’époque, cette transition était optionnelle. L’utilisateur activait le mode Journal et avait sept jours pour

organiser ses données. Et il y avait du travail. En effet, une des particularités du Journal est de permettre de remonter dans le temps d’un seul clic, une opération très fastidieuse auparavant. Du jour au lendemain, les utilisateurs avaient accès à une quantité astronomique de données les concernant. C'est bien beau d'avoir la possibilité théorique de contrôler sa vie privée, encore faut-il avoir du courage et pas mal de temps à y consacrer.

Facebook avait prévenu, le passage au Journal allait être imposé à tous les utilisateurs. Et c’est chose faite fin août. Il y a donc moins d’un mois, des millions d’internautes ont découvert leur Journal sans, bien sûr, avoir eu l’occasion de s’y préparer. Et la plupart ont continué à utiliser le réseau social au jour le jour sans se poser plus de questions.

Et on oublie très vite nos anciennes activités sur Facebook. Les conversations «de mur à mur» ( wall-to-wall en VO), étaient monnaie courante au moins jusque novembre 2010, date à laquelle Facebook décide de mettre en avant son système de messagerie (avec l'ambition affichée de détrôner le mail). Et même si les adresses en @facebook.com proposées par le réseau social ne rencontrent pas l'engouement escompté, les utilisateurs commencent à distinguer plus finement les conversations privées ( «Bière ?» ) des échanges publics ( «Bon anniversaire !» ).

Donc, lorsque, ce 24 septembre dans l’après-midi, on évoque un éventuel bug sur les messages privés, d’un seul coup, tout le monde découvre vraiment ce qu’il y a dans son Journal et retombe sur ses errements passés. «Mais enfin, je suis majeur et vacciné, j’ai une conscience aigüe de ma vie privée, vous pensez vraiment que j’aurais pu balancer ce genre de trucs en mode public ?» Oui, bien sûr que oui.

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