Facebook: pour ne pas voter, c'est par ici

par Camille Gévaudan
publié le 5 décembre 2012 à 17h32

C hose promise , chose due : pour la dernière fois de son existence (explication deux lignes plus bas), Facebook propose donc à ses membres de voter... pour savoir s'ils veulent bien abandonner leur droit de vote. L'issue du scrutin ne fait aucun doute. La ridicule poignée d'internautes qui s'intéresse à la façon dont est gouverné son réseau social préféré va saisir l'occasion pour défendre le droit de vote, en votant contre la proposition de sa suppression. Et l'écrasante majorité, qui, à l'inverse, se fiche bien de pouvoir voter, na va donc pas voter, et ainsi perdre le droit de vote dont elle se fiche bien.

De toute façon, il faudrait que 30% des membres du site (soit 300 millions de personnes) participent au scrutin pour que le résultat de celui-ci soit reconnu par Facebook. Ce qui n'a strictement aucune chance d'arriver... et découragera donc même les plus motivés à voter, qui finiront par ne pas voter comme ceux qui n'aiment pas voter, et au final, c'est Facebook qui sera bien content puisqu'ils n'auront plus jamais à s'embêter avec cette histoire de démocratie qui les fatigue sérieusement.

C'est par un e-mail que tout le monde a été prévenu aujourd'hui : «Vote Facebook Site Governance» , annonçait son titre. Plus opaque, on meurt. Le contenu du message est ensuite clairement rédigé dans le but d'assommer ses lecteurs : «Facebook, Inc. et Facebook Ireland Ltd., responsables du service Facebook dans le monde entier, ont récemment publié une proposition de mise à jour de la Politique d'utilisation des données et de la Déclaration des droits et responsabilités....» Ça y est, la moitié des destinataires a déjà envoyé la missive à la corbeille -- mission accomplie ! Les quelques irréductibles sceptiques qui ont tenu le coup apprendront qu'ils ont jusqu'au «10 décembre à 20» (on suppose que ce sont des heures) pour mettre leur bulletin dans l'urne sur une page dédiée. Ils n'ont toutefois aucune idée de l'enjeu du vote.

La page sur laquelle on atterrit ensuite est rédigée en anglais -- ce sont encore 60% des internautes arrivés jusqu'ici qui viennent de s'évaporer. Tout en bas du texte, un lien permet d'accéder à la traduction française . Dans la traduction française, après trois gros paragraphes de baratin juridico-administratif sans queue ni tête, apparaît enfin le lien -- LE lien -- de la page de vote . On clique.

Ah non, ce n'est pas le vote. On arrive sur une énième page de présentation, et il faut encore cliquer sur l'onglet «Vote» pour voter. Saura-t-on enfin pourquoi on vote ? Oui, c'est facile : en gros, Facebook a changé sa politique et voudrait savoir si on préfère l'ancienne ou la nouvelle.

[qcm]

Q 1. Alors, l'ancienne ou la nouvelle ?

P1 L'ancienne.|Dommage. Vous êtes arc-bouté sur des positions archaïques et refusez le progrès.

P2 La nouvelle.|Bravo ! Vous n'avez pas lu la nouvelle politique de Facebook, mais vous êtes un brave internaute qui accepte le progrès et vit avec son temps.

R2

Pour ceux qui se sont perdus en chemin, on rappelle que voter pour les «nouveaux documents» signifie qu'on accepte d'abandonner son droit de vote, et les «documents existants» signifient que l'on veut le garder. Si au fond, on s'en fiche mais qu'on veut punir Facebook de nous avoir trimballé comme ça et d'avoir explosé tous les records de mauvaise volonté, de mauvaise foi, de sournoiserie et d'infâme manipulation des esprits, c'est aussi sur «documents existants» qu'il faut cliquer.

Le résultat à l'heure actuelle :

Même le graphique de résultats est intéressant à étudier : la solution préférée par Facebook, celle qui supprime le droit de vote, bénéficie du beau bleu profond qui marque l'identité du site. Le vote des réfractaires n'a droit qu'au bleu délavé.

Le vrai miracle, c'est que plus de 200000 personnes soient arrivées jusque là. Bien sûr, la majorité de ces résistants héroïques de la démocratie a voté contre le changement. Ça ne servira à rien, mais on peut en être fiers. Une dernière fois.

Lire également le début de l'histoire :

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