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Libération

«Facebook s’est ouvert sur presque tout sauf sur la question du genre»

par Quentin Girard
publié le 28 juillet 2011 à 15h34
(mis à jour le 28 juillet 2011 à 19h21)

Sur Facebook, au moment de l'inscription, le nouvel adhérent a l'obligation de définir son genre: homme ou femme. Il ne peut pas cocher les deux cases et encore moins aucune. Le mouvement LGBT AllOut.org a décidé de lancer une campagne pour protester contre cet état de fait. Il estime nécessaire la création d'une autre case, celle du troisième sexe, pour les personnes qui se perçoivent comme étant ni l'un, ni l'autre.

Dans le cas contraire, pour l’américaine Prerna Sampat, porte-parole du mouvement et transsexuelle, la communauté transgenre risque de devenir invisible à l’heure de cette nouvelle ère numérique.

Pourquoi avez-vous lancé cette campagne sur Facebook et que réclamez-vous exactement?

AllOut.org a lancé cette campagne avec ses 550 000 membres car nous estimons que chacun devrait être respecté pour ce qu'il est vraiment, en ligne et hors ligne. L'Inde, le Pakistan et le Népal ont déjà reconnu légalement l'existence de ce troisième genre et des réseaux sociaux comme Google + prennent de plus en considération ces questions. Facebook est désormais à la traîne.

Nous savons que simplement en changeant la «checkbox», cela ouvrira la porte à des millions de personnes qui ne s’identifient pas juste comme homme ou femme. Notre campagne montre que ces utilisateurs à travers le monde estiment que ces changements sont urgents. En reconnaissant le troisième genre, Facebook peut accélérer la reconnaissance de l’identité trans à travers le monde. C’est un petit changement pour eux mais cela ferait une très grande différence pour la communauté transsexuelle mondiale.

Combien de personnes à votre avis souhaitent se déclarer appartenant à un troisième sexe? Comment d'ailleurs le définissez-vous?

Le troisième sexe ou troisième genre n’est pas une simple identité mais désigne une palette d’identités de genre variés à travers le monde. En Europe ou en Amérique du Nord, le terme de «genderqueer» (ndlr : qui n’a pas vraiment de traduction française) est utilisé par des personnes qui se sentent à la fois homme et femme. Au Brésil, beaucoup s’identifient comme travesti et le voient comme un genre en soi. Partout en Asie, de la communauté Meti au Népal aux Hijras en Inde, les gens estiment qu’ils ne tiennent pas dans les cases «hommes» et «femmes».

Et puis il y a les gens comme moi, transsexuelle, qui se considèrent comme femme, mais pas seulement. Je préférerais vraiment me désigner comme «trans femme» plus que comme «femme» sur Facebook, puisque je me sens fière de mon identité transsexuelle.

Actuellement, il n’est pas possible de savoir précisément le nombre de personnes qui estiment appartenir à ce troisième genre, puisqu’elles sont ignorées administrativement dans la majorité du monde. Nous pensons qu’elles sont environ 100 millions.

Pensez-vous que pouvoir afficher ou pas son sexe sur Facebook a vraiment une importance?

Notre identité sur Internet est devenue une part importante de la manière dont on se présente et s’exprime. Sur Facebook, on peut choisir sans limite ses religions, points de vue politique, langages et intérêts. Pourquoi les options de genre seraient strictement limitées alors que c’est une partie essentielle de ce que nous sommes ?

De manière générale, quels rapports entretient Facebook avec les thématiques LGBT (selon vous?

Facebook a plutôt été un site progressiste en reconnaissant rapidement les possibilités de mariage ou d’union pour les gays et les lesbiennes. Comme c’est l’une des entreprises les plus influentes du monde, quand Facebook change, des millions de personnes le remarquent.

Facebook ou d'autres géants comme Apple ont la réputation d'être prudes. Avez-vous peur parfois qu'une sorte de morale commune s'impose aux Internautes?

De toute évidence, ces groupes ont une influence sur nos vies et sur nos relations avec les autres. Facebook s’est ouvert sur la diversité pour les religions, la politique, le langage, sur presque tout sauf sur la question du genre. Notre crainte est que la communauté trans soit forcée d'être invisible dans cette nouvelle ère de l’identité numérique. Ce serait profondément immoral et contraire à l’éthique.

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