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Libération

Facebook veut se faire Seppukoo

Net . Le réseau social poursuit le site artistique et parodique qui proposait à ses membres un suicide virtuel.
par Marie Lechner
publié le 21 décembre 2009 à 0h00

Facebook se sentirait-il menacé par la campagne de suicides en ligne initiée par Seppukoo.com ? Petit rappel, le site se présente comme un service censé vous assister dans le suicide de votre identité virtuelle et plus précisément de votre compte Facebook (Libération du 9 décembre). Seppukoo.com s'inspire du rituel ancestral des samouraïs consistant à se fendre l'abdomen plutôt que de se rendre à l'ennemi. L'ennemi ici, ce sont les entreprises qui font du profit en connectant les gens tout autour du monde, exploitant et monnayant vie privée, profils, identités. Il suffit d'entrer son compte utilisateur Facebook et son mot de passe avant de commettre le clic fatal qui désactive votre compte. Et rejoindre le vaste réseau social des suicidés de Facebook. Plus vous réussissez à convaincre d'amis de vous rejoindre dans ce suicide viral et virtuel, plus vous gagnez de points. Cette initiative du «groupe artistique imaginaire» italien, Les Liens invisibles, vise à sensibiliser les internautes à la question des données personnelles et des identités virtuelles.

Menace. Mais cette parodie piquante n'a pas plu à Facebook qui a déployé tout son arsenal pour stopper la pandémie. Le 10 décembre, lendemain de la publication de l'article dans Libération, l'AFP relayait l'information. Aussitôt Facebook bloque Seppukoo.com, l'adresse IP (le numéro qui identifie chaque ordinateur connecté au Net) est bannie. Tous les contenus Seppukoo qui circulent sur la plate-forme sont détruits et chaque message contenant Seppukoo.com est bloqué. Tandis que le réseau «antisocial» a les honneurs des écrans de CNN le 11 décembre, des utilisateurs de Facebook qui tentent de partager Seppukko.com avec leurs amis rapportent au Los Angeles Times qu'un «message d'erreur apparaît si on essaye de glisser l'adresse du site dans un commentaire». Mais Facebook Inc. n'en reste pas là. Leurs avocats envoient aux Liens invisibles une lettre leur intimant de stopper immédiatement leurs activités d'ici au 22 décembre et les menaçant d'une action légale. «Curieusement, les avocats de Facebook s'appuient sur le droit des utilisateurs à la vie privée et la sécurité des données personnelles, pour annihiler notre service de désinscription», relèvent les auteurs sur leur site. Facebook leur reproche de solliciter les informations de connection des utilisateurs, qui leur permettent d'accéder à leurs comptes. «Seppukoo.com rejette toutes les fausses accusations de phishing ou usage malintentionné de données personnelles, il n'extorque aucune donnée privée de Facebook. Ce sont les utilisateurs qui nous les confient volontairement, en accord avec les conditions d'utilisation», expliquent les artistes. Ils refusent de considérer cette action - depuis le lancement de Seppukoo.com, 20 000 personnes ont désactivé leur compte - comme une menace pour le géant et ses 300 millions d'utilisateurs. «Seppukoo n'est pas commercial, c'est une pièce artistique qui fait réfléchir sur la vie virtuelle et la mort. Ce genre de réactions représente le côté autoritaire et répressif de Facebook.»

Clic. Les Liens invisibles ont donc décidé de contre-attaquer en lançant une vidéo ironique, qu'ils espèrent virale, intitulée «How to Commit Seppukoo by Yourself ?» (2). En d'autres termes, le mode d'emploi étape par étape pour désactiver son profil de Facebook depuis la page d'accueil du réseau social, avec une voix off en japonais qui vous guide dans les méandres du site. Il faudra cette fois plus d'un clic pour parvenir à se suicider. «Maintenant allez où bon vous semble et profitez de votre nouveau statut d'anonyme», conclut la vidéo.

(1) www.seppukoo.com (2)www.youtube.com/watch?v=JlJP0koG5Ag

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