Fantasy : Fable III

par Olivier Seguret
publié le 27 décembre 2010 à 13h07

Voici déjà une bonne lune que Fable III est sorti, mais il figure quand même parmi les plus beaux jeux d'aventures disponibles en vue de l'imminent Noël. Dans ce volet, le style graphique évolue légèrement et quelques éléments dans la construction générale de la partie sont modifiés, mais l'essentiel du monde d'Albion est préservé. Seuls changent radicalement les événements et leur déroulement. Situé un peu plus tard historiquement, au seuil d'une révolution industrielle réinterprétée sous les conventions de la fantasy, Fable III propose d'abord au joueur de gagner le pouvoir en menant une révolution dans le royaume puis, dans un deuxième temps, d'exercer ce pouvoir.

Cette seconde dimension crée une sorte de faille rarement vue dans un jeu. Elle voudrait répondre à une vieille utopie du joueur, particulièrement de jeux de rôles : continuer à faire évoluer un monde une fois toutes ses missions achevées et son objectif principal atteint. Le degré d'investissement du gamer dans ces prolongations inhabituelles dépend naturellement de l'attachement presque affectif qu'il aura nourri pour le jeu, les mondes visités et leurs propositions ludiques.

Prestigieuse exclusivité de la Xbox, la série des Fable doit sa réputation à son auteur, le Britannique Peter Molyneux. Cette identification, très rare dans le monde du jeu où règne encore une forme d'anonymat collectif, est à double tranchant. Parce qu'il est bavard et idéaliste, Molyneux fait souvent naître des espoirs exagérés lorsqu'il évoque ses projets, dont l'ambition conceptuelle a toujours été la marque. Mais sa nature mélancolique l'incline aussi vers l'autocritique sincère une fois que les titres sont réalisés et qu'ils n'atteignent pas les buts annoncés. C'est aussi cela qui le rend très sympathique : Molyneux n'est jamais complètement satisfait de lui-même ni de ses œuvres. Pourtant, elles sont souvent très supérieures à la moyenne, comme ce troisième opus de Fable le prouve facilement.

Facile est d'ailleurs le reproche que l'on trouve le plus fréquemment adressé à cet épisode. Trop facile, juge globalement la critique quand elle veut dévaloriser le titre, ce qui est une drôle de manière de concevoir son métier. Que Fable III soit plus accessible que les deux épisodes précédents, sans doute. Mais ce qui a été élagué par Molyneux (essentiellement dans les systèmes de combat et dans les menus interactifs qui permettent au héros de communiquer avec d'autres personnages) ne l'a pas été par hasard : c'est après avoir constaté que dans leur grande majorité les joueurs délaissaient très vite ces options. Ce sont donc eux qui, par leur pratique, ont ouvert le chemin d'une simplification du gameplay de Fable , et l'on est tout à fait en droit de juger que ce streamlining était le bon : l'expérience du joueur s'en retrouve elle aussi fluidifiée.

Fable III est un jeu qui file une route soyeuse, sans grincements, mais il est vrai aussi, rapide. C'est peut-être le sens qu'il faut donner à cette «facilité» ressentie : dans sa bienveillante et très agréable simplicité, Fable III gagne aussi une vitesse qui peut laisser sur sa faim. On peut gager que les DLC (les contenus téléchargeables et payants) viendront se proposer de pallier cette frustration… Mais il faudra qu'ils soient supérieurs au premier de ces épisodes additionnels, disponible depuis quelques jours (trois minuscules missions annexes qui mettent à leur tour en pétard la communauté fabuliste).

Paru dans Libération du 24 décembre 2010

Fable III (Lionhead Studios)

_ pour XBox 360, 57 €.

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