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Libération

E-magiciens : L'avenir s'est joué à Valenciennes

par Marie Lechner
publié le 4 décembre 2007 à 16h04
(mis à jour le 4 décembre 2007 à 16h37)

Les écoles françaises de game design ont tenu salon dans les coursives du Phénix, à l'occasion du festival e-magiciens , à Valenciennes, et présentés leurs prototypes

cependant que les entreprises, fortement présentes cette année, se livraient à une opération séduction auprès des étudiants. Dans un chapiteau attenant au Phénix, centre névralgique du festival, le secteur jeu vidéo du Nord-Pas-de Calais, Ankama en tête, créateur du fameux jeu en ligne Dofus, recrute: plus de 400 offres d'emploi à pourvoir dans les jeux vidéo pour mobile, l'animation, l'infographie.

Autre prétendant, le serious game , encore balbutiant en France mais en essor. Une conférence dédiée au sujet a d'ailleurs tenté de convaincre les étudiants de l'intérêt de développer des jeux pour l'entreprise (par exemple comment gérer son salon de coiffure, former les apprentis coiffeurs), l'éducation, la santé ou encore la vie civile. Les jeux présentés se résument à des quizz à peine améliorés, pas très excitants pour l'instant...

Cloudscape, de Nicolas Georget et Philippe Chambon

Plus stimulants à défaut d'être révolutionnaires, les jeux développés par les étudiants de l' Enjmin à Angoulême. Notamment Fear Window (voir le teaser ci-dessous) , sur une idée de Pascal Allançon, une expérience interactive qui vous place dans la peau d'un sniper. Dans la visée de la lunette, un appartement où se déplacent des silhouettes. Le tireur d'élite est chargé d'une mission: empêcher un message sensible d'arriver à destination. Seul hic, on ne sait pas à qui le message est adressé. Le sniper observe une scène familiale entre une femme, son mari, leur fille, entend leur discussion grâce à un micro placé dans l'appartement, suit leurs allées et venues derrière les fenêtres.

Le jeu emprunte au FPS (jeu de tir à la première personne) mais il ne s'agit pas de dégommer tout ce qui bouge. Le joueur doit observer, écouter, se montrer patient. Tout est basé sur le doute, une empathie progressive s'installe avec ses supposées victimes. A plusieurs reprises, le téléphone sonne, autant de fausses alertes, créant du stress... « Notre défi était de ne pas tomber dans la simple simulation. On voulait créer une réflexion sur le phénomène de banalisation de la violence dans le jeu, et aussi interroger la notion de jeu de rôle, c'est-à-dire, dans quelle mesure un joueur est capable de s'éloigner ou de renoncer à la mission que les développeurs lui ont donné » , explique l'auteur. Quand le joueur finit par tirer, un écran noir s'affiche au lieu de la récompense traditionnelle pour mission accomplie, créant la frustration. Une simple dépêche AFP annonce l'assassinat sans en préciser les motifs.

Dans le crû Enjmin toujours, un chouette jeu qui ne se joue qu'à deux et qui nécessite une étroite collaboration entre les joueurs. Cloudscape , de Nicolas Georget et Philippe Chambon, est un mélange de Tetris et de jeu de plate forme à la Mario. Un joueur contrôle le personnage, le fait courir et sauter, pendant que l'autre construit le plancher pour permettre à son partenaire d'avancer en fixant des briques en pâte à modeler qui tombent du ciel. Le décor est charmant, avec des nuages en mousse à raser.

Poesysteme de Balthazar Auger

Plus littéraire, Poesysteme de Balthazar Auger , une exploration ludique et poétique des mots. « C'est une tentative de mixer la poésie avec l'évolution darwinienne, et d'illustrer les évolutions des mots et des langages » explique l'auteur qui s'inspire des recherches de l'Oulipo, couplés avec un algorithme génétique.

Le joueur tape des mots qui vont vivre selon les règles de la nature plutôt que selon les règles linguistiques. « Je traite les mots comme des animaux vivants dans un écosystème ». Des « ani-mots » qui se nourrissent, s'accouplent, se reproduisent, en donnant naissance à des nouveaux mots: "découpage" et "reportage" donnent "portatage": les mots se recombinent, des lignées s'éteignent, d'autres resurgissent une génération plus tard...

Une fois lâché dans la nature, le mot échappe au contrôle de l'utilisateur, qui peut uniquement intervenir sur son environnement (en rajoutant de la nourriture, des barrières etc...). Les mots s'aiment, font l'amour, se dévorent entre eux. « Ils sont logophages » , dit l'auteur amateur de néologismes.

A tout moment, le joueur peut prendre un « instantané » de son monde, qui s'affiche sous forme d'un poème composé de tous les mots qui vivent là, ceux qu'il a introduit et toute leur étrange descendance. Le résultat n'aurait pas déplu au regretté Isidore Isou, papa du lettrisme.

Trailer The Core - Projet Supinfogame 2007

envoyé par JeJeuJeux

Les étudiants en game design de Supinfogame n'ont pas démérité non plus, avec entre autres, the Core , jeu de stratégie temps réel pour la DS, un projet de Alexis Moroz, où l'on incarne une entité néfaste qui menace l'humanité tout entière, forteresse psychotique volante dont le but est de conquérir l'univers. Pour gagner, il faudra atomiser toute forme de vie, infester l'univers de parasites, détruire les drones ennemis, en posant des pièges, des tourelles, en envoyant des missiles, la navigation se fait grâce à un scrolling latéral.

Scoop, des étudiants de Lisaa

Autres projets récompensés, deux réalisations des étudiants de Lisaa P.S.I. , un beat them'all collaboratif qui se joue à deux et Scoop où l'on incarne une lapine journaliste dont la seule arme est un appareil photo. Elle pénètre dans un laboratoire cosmétique où l'on maltraite les animaux. Plus les images sont choc et plus elles auront de chance de faire la Une des journaux.

A noter aussi, Blind, welcome to cecity , de Jonathan Derrough et Adrien Enlart, étudiants à l'Isart Digital. Déjà vainqueur du concours 3D3 du Cube, ce FPS très esthétique où le joueur, aveugle, se repère dans l'espace grâce aux sons qu'il envoie et qui se répercutent sur les décors, est reparti avec une Mention spéciale du jury.

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