Football Manager: Un dernier match et j'arrête!

par Camille Gévaudan
publié le 1er décembre 2009 à 12h55
(mis à jour le 27 mai 2013 à 16h25)

Il est une heure du matin. L'heure du dernier match. Tottenham Hospur rencontre Wigan Athletic, à domicile. La tâche ne devrait pas être trop difficile... et se solde pourtant par une défaite. Au débriefing, l'entraîneur adjoint pointe du doigt les passes du défenseur central qui «vont souvent à l'adversaire». On refait monter l'information à l'intéressé, qui garde un moral «Excellent» (ouf !) et promet d'y faire attention. Mince, Gareth Bale s'est blessé... Il faut lui choisir un remplaçant et faire monter un joueur de l'équipe réserve en renfort. Et ajuster l'intensité des ateliers force et aérobic aux entraînements, tant qu'on y est, parce que les blessures sont un peu trop récurrentes. Allez, juste un dernier match.

«N'oubliez pas, manger vous donne la force de continuer à jouer» , dira le jeu à son prochain lancement. Les petits messages ironico-culpabilisateurs de Football Manager semblent prendre un malin plaisir à remuer le couteau dans la mauvaise conscience du joueur, qui sait déjà trop bien combien de nuits il y a perdues. D'après les données récoltées par Sports Interactive, la moyenne de temps passé sur une partie avoisine les 240 heures. Ce qui est considérable dans le monde du jeu vidéo, mais loin d'être excessif dans le cas particulier de Football Manager , vu l'ampleur de la tâche. Car contrairement aux best-sellers de simulation footballistique tels que FIFA et Pro Evolution Soccer, il ne s'agit pas ici de jongler avec la balle au pied mais avec une craie sur un tableau noir. La jaquette du jeu annonce immédiatement la couleur : devant quatre joueurs anonymes dont la tête du premier est cachée par le logo, trône le véritable héros en costume-cravate -- l'entraîneur. Aux commandes d'une équipe, depuis le début de la saison et aussi longtemps que le président du club sera satisfait de son travail, l'entraîneur incarné s'occupe de tout : peaufiner la tactique "4-4-2 diamant", renouveler avant son terme le contrat du gardien prometteur de l'équipe réserve, composer avec l'ego des starlettes en short pour conserver une bonne ambiance au sein de l'équipe... Et quand un match prend une mauvaise tournure, hurler -- enfin, cliquer -- depuis le banc de touche et en temps réel pour rappeler à l'équipe d'«utiliser les ailes» ou leur ordonner de «tirer à vue», avant de scruter anxieusement le terrain en espérant constater une amélioration. Les intégristes du jeu continuent d'ailleurs à préférer la vue du dessus et serrer les poings en suivant la trajectoire de petits points numérotés, bien que l'édition 2009 ait amené une petite révolution avec la représentation des matchs en 3D.

Mais la 3D, pour l'instant, est le dernier des soucis à Tottenham. Avec un titulaire arrêté quatre mois pour blessure et un remplaçant pas plus brillant que ça, le poste de milieu offensif gauche est devenu un point faible de l'équipe. Et il sera quasiment impossible d'envisager l'emprunt d'un joueur extérieur au beau milieu de la saison. Il faut donc employer les grands moyens : envoyer un recruteur explorer le continent sud-américain, dans l'espoir d'y dénicher une perle rare sans exploser le budget des transferts. Nicolás Millán, par exemple. Dès l'édition 2007, les fidèles de Football Manager ont repéré ce nom. Le jeune buteur chilien n'avait alors que 15 ans, mais ses notes dans le jeu étaient excellentes et le joueur avait le potentiel de devenir, après quelques saisons rondement menées, une véritable star. Everton le savait, lui aussi. Le club anglais accueillera bientôt Millán en période d'essai, dès ses 18 bougies soufflées.

Comme aime le rappeler Sports Interactive, de nombreux clubs utilisent le jeu à des fins professionnelles. Et Everton est le premier à le faire officiellement, dans le cadre d'un partenariat conclu l'an dernier, en disposant d'un accès exclusif à la base de données de joueurs qui fait la richesse et la réputation de Football Manager . Le jeu recense des centaines de milliers de joueurs réels, observés et évalués par 1500 supporters recrutés sur Internet pour chacun des 250 critères prévus : caractéristiques physiques (taille, poids, vitesse...), performances techniques (dribble, tacles, touches longues...), mentalité de jeu (créativité, anticipation...) et même personnalité des joueurs (excentricité, relation avec les médias...). Soit bien plus d'informations que n'importe quel club au monde pourra jamais réunir. Un jeu vidéo plus calé que les professionnels de son domaine ? Utilisé par les pros comme support de travail ? Miles Jacobson, PDG de Sports Interactive, n'en est pas peu fier : «On a transcendé le monde du jeu vidéo !»

L'autre exploit de Football Manager est de susciter la même passion (et la même addiction) chez les connaisseurs de football que chez les agnostiques complets. Ou comment se surprendre, alors qu'on ignorait avant de jouer la différence entre un championnat et une coupe, à confier à son ordinateur que «tant pis, l'important c'est les trois points». Ou parler de «mog» et de «mod» pour désigner les milieux offensifs latéraux. Ou encore s'extasier devant les analyses d'après-match et leurs schémas, représentant toutes les actions effectuées par des flèches et des ronds de couleur. Les passes vertes réussies, les rouges interceptées, les bleues contrées, les jaunes sorties du terrain... C'est beau comme un Picasso, et ça confirme bien ce que disait l'entraîneur adjoint : les passes du défenseur central, elles vont trop souvent à l'adversaire.

Football Manager 2010

_ Sur PC et Mac (50 €), Sports Interactive (Sega).

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