«Free Mobile a mis un maxi bordel»

par Catherine Maussion
publié le 18 janvier 2012 à 16h31
(mis à jour le 19 janvier 2012 à 14h41)

En enfonçant les hypothèses les plus hardies imaginées par le secteur, Free Mobile, avec son buzz et ses offres, alimente les rumeurs et provoque un séisme dont les répliques n'ont pas fini de se propager.

Aujourd'hui, c'est Bouygues Télécom qui corrige les rumeurs : «Non, ce n'est pas 300000 départs d'abonnés que nous avons subi, mais 25000, soit plus de dix fois moins !» Le plus étonnant dans cette affaire est ce chiffre de 300000 abonnés que Free aurait fauché à son concurrent, sorti de nulle part mais repris en boucle alors «qu'il ne tient pas à l'analyse» , fait remarquer un concurrent. Bouygues ne détient en effet que 17% du marché.

En revanche, Bouygues Télécom avec son offre low cost et réservée au net, B&You;, ferait un malheur. De fait, c'est la seule offre qui égalise le forfait illimité de Free mobile, en copiant tous ses paramètres, les 3 Go de données, l'usage modem et la voix sur IP. Et, en prime, un Iphone 4 S à 16 Go moins cher que celui promis par Free. L'offre mieux disante a tout de suite été repérée par les internautes qui se sont rués sur le site. Lundi et encore hier, un bandeau «maintenance» invitant à patienter expliquait que l'affluence avait eu raison du serveur, sous-dimensionné. Cet alignement a un goût de provocation pour Xavier Niel, qui avait déclaré à la mi-décembre dans une vidéo postée sur le site IT Espresso: «s'il y a des offres à dix euros, [Free] aura des offres à 5. Et s'il y a des offres à 7, il en aura à 3,50 ?» À quand sa riposte ?

«Mais dans quel état va-t-on ramasser les autres ?»

Les opérateurs virtuels (MVNO) sont à la manœuvre. Et à la peine aussi. Sonné, Patrick Gentemann , le patron de Zéro Forfait. Il s'est payé pour 30000 euros une lettre ouverte à Xavier Niel, publiée en pleine page dans le Monde de mardi. Comme s'il ne suffisait pas de se faire plumer par Free, il faut encore payer pour se faire entendre ! Ce petit MVNO très inventif essaie, avec ses petits poings, de boxer sur la scène avec Free Mobile: à 18,90 euros, il bat même d'un euro le forfait illimité de Free Mobile, mais avec un internet limité à 500 Mo contre 3 Go pour Free. Simyo, Sim +, Prixtel, Auchan Telecom, Coriolis, tous ont dégainé leur illimité sous les 20 euros.

En façade, il s'agit de sauver la face, mais en coulisses, les propos des MVNO sont plus amers. «Une fois que M. Niel aura tué le marché, et principalement les petits MVNO, il pourra augmenter subrepticement ses prix» , avait lâché le patron de Budget Telecom, une heure après la publication des offres, le 10 janvier dernier. «Il a fait un véritable hold up» , constate Patrick Gentemann, huit jours après le lancement. «Il est en train de tout brûler. Et il a mis un maxi bordel. Il y en a qui vont s'en sortir grandis.» Gentemann espère en être. «Mais dans quel état va-t-on ramasser les autres ?»

Le torchon brûle très fort en ce moment entre les MVNO et les opérateurs (Orange, SFR…) qui leur loue le réseau. L'enjeu de la négociation, c'est d'obtenir des prix qui leur permette de rivaliser avec Free Mobile: «Cela négocie dans tous les sens» , dit l'un d'eux. Et c'est un dommage qui se rajoute aux autres, pour les opérateurs en place obligés par ailleurs de réviser leurs forfaits pour rivaliser avec l'offre de Free.

«Les volumes augmentent tous les jours»

Pendant ce temps, l'opérateur caracole. Il refuse à donner des chiffres. Mais Nicolas Houeri, la patron du serveur qui opère pour le compte des opérateurs la portabilité des numéros de mobile, a vendu la mèche hier: le service qui permet aux abonnés de conserver leur numéro en changeant d'opérateur est «au maximum de sa capacité» et traite entre 35 et 40000 demandes par jour depuis le lancement de Free Mobile. Insuffisant pour étaler le rythme des demandes. Celles-ci se monteraient au mieux à 250000, sachant que les portabilités n'ont vraiment démarré chez Free que jeudi dernier et que Free garde des demandes sous le coude pour ne pas faire disjoncter le serveur.

Un quart de million d'abonnés, voire plus, aurait ainsi claqué la porte de leur opérateur pour passer chez Free. Ce dernier reconnaît à demi-mot avoir sous-estimé la capacité de traitement du service, mais travailler en ce moment avec les opérateurs: «les volumes augmentent tous les jours» , confie-t-on en interne. En attendant, l'opérateur prône la patience: au lieu des trois jours réglementaires pour changer d'opérateur, Free ne promet plus l'envoi de la carte Sim, et donc la bascule sur son réseau, que dans un délai de 10 à 15 jours.

Au quart de million de demandes, il convient d'ajouter tous ceux qui se sont rués sur le forfait à deux euros (gratuit pour les abonnés à la box). Le premier million d'abonnés se profilerait pour bien avant la fin du mois. S'il se confirme, les experts de Morgan Stanley se sont bien plantés. Dans une note publiée mardi 10 janvier, quelques heures après l'annonce de Free, ils supputaient que la cible du million d'abonnés (soit 1,7 % du marché) serait selon toute probabilité atteinte à la fin de l'année 2012. Juste une erreur de 11 mois.

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