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Libération

Free Mobile : des critiques et des soupçons à l’appel

par Catherine Maussion
publié le 23 janvier 2012 à 11h03
(mis à jour le 23 janvier 2012 à 11h07)

Dix jours après le lancement de Free Mobile, l’onde de choc propagée par l’offre à prix cassé du nouvel opérateur alimente les rumeurs et attise les critiques. A tort ou à raison ?

Le côté obscur de l’offre

Il est où le suivi conso ? Dans l’espace abonné, pour ceux qui ont souscrit l’offre au compteur (60 mn et 60 SMS pour 2 euros), nulle trace de la consommation. Certes, le dépassement n’est pas coûteux (3 euros l’heure, 1 euro les 100 SMS), mais ce n’est pas une raison. Free assure que cela viendra la semaine prochaine.

Et puis, vous avez dit «usuraire» ? Free vend le mobile séparé du forfait, sous la forme d'un crédit qui ne dit ni son nom ni son taux. Les conditions générales de ventes sont particulièrement taiseuses. A l'article 4.2, il est question d'un paiement échelonné, via un contrat avec CA Consumer Finance -- la filiale crédit conso du Crédit agricole -- «dont le montant des versements et la durée sont précisés à la commande» . Seule info publiée par l'opérateur : l'iPhone 4S 16Go sera proposé à 1 euro, puis 24 mensualités de 29,99euros, soit 720,76euros. Sachant que ce même iPhone est proposé par Bouygues Telecom, et «à prix coûtant» , à 604,21euros (avec un paiement possible en trois fois sans frais) sur le site B&You;, ce qui veut dire que le partenariat noué par Free cacherait pour l'iPhone un crédit à 17,64%. «Il y en a marre que l'on vous embrouille. Nous, nos conditions générales tiennent sur une page» , a fanfaronné Niel sur l'estrade, le 10 janvier. Last but not least, l'UFC-Que choisir, spécialiste de l'épluchage des petites lignes (des contrats), a relevé des clauses suspectes : «Il y a des zones d'ombre» , confirme Edouard Barreiro, en référence à la mention de l'usage du mobile «en bon père de famille».

Combien d’abonnés ?

Trop de gens ont tenté de s’abonner au goût du GIE de la portabilité, ce service cogéré par les opérateurs qui permet aux clients de passer d’un opérateur à l’autre en conservant leur numéro. Dimensionné pour traiter au mieux 15000 changements par jour, il a dû en absorber entre 35000 et 40000 dès la première semaine. Chez Free, on reconnaît à demi-mots avoir sous-estimé sa capacité de traitement. En attendant, Free retient les demandes pour ne pas engorger le serveur.

Des chiffres ? Free n'en valide aucun. Chez Orange circule le nombre de 140000 demandes de RIO (relevé d'identité opérateur) le jour du lancement de l'offre. Ce sésame réclamé par l'abonné à son opérateur est la première étape vers la portabilité. Il y en aurait eu 130000 le second jour et encore 100000 le troisième. «Cela se tasse» , constatait hier Orange. Compte tenu que 30% des demandes de RIO déboucheraient sur une bascule vers un concurrent, cela ferait près de 120000 départs, soit près d'un abonné (prépayés compris) sur 200. C'est beaucoup. Bouygues, soupçonné d'en avoir perdu 300000 la première semaine, a assuré n'en avoir laissé partir que 25000.

Qui croire ? Le site Toosurtoo, qui suit au jour le jour les activations de Free Mobile, estimait hier à 1,4 million le nombre d’abonnés. Une certitude, les plateformes sont engorgées. Le recours massif à des spécialistes de la relation client (Outsourcia, Webhelp ou Teleperformance), au Maroc, n’a pas permis d’absorber le flux. Hier, l’abonné Freebox pouvait patienter une heure avant d’avoir un téléconseiller. Enfin, Free recrute à mort grâce à la ristourne accordée aux détenteurs d’une Freebox : elle a fait, de source interne, entre 9000 et 10000 abonnés par jour la semaine du lancement.

Le réseau est-il activé ?

Lancé par le Figaro , le soupçon d'un réseau Free Mobile éteint ou partiellement allumé continue d'agiter le Net. Free aurait maillé ses antennes à Paris avec du fil de cuivre (ADSL) et pas avec la fibre optique, assurent les uns ; autour de 40% seulement de ses antennes seraient actives, prétendent les autres. Pourtant, les abonnés de Free Mobile constatent que le réseau fonctionne.

Comment l’opérateur fait-il ? Tous les appels passeraient sur le réseau d’Orange, qui le lui loue les trois premières années en attendant qu’il l’étoffe. Chez Free, on dément en bloc. Pas simple d’y voir clair. Le simple fait pour l’abonné Free Mobile de repérer sur son portable les quatre lettres de Free n’est pas le gage d’une connexion sur une antenne maison : Free et Orange ont dealé que la marque Free apparaîtrait dans tous les cas.

Une certitude, le régulateur est allé sur le terrain en novembre pour vérifier que Free avait rempli ses obligations : couvrir 27% de la population. Hier, Etienne Cendrier, le porte-parole de Robin des toits, témoignait de la difficulté pour Free de poser ses antennes : à Tours, «nos adhérents réclament une enquête sanitaire» . Free riposte : «Notre intérêt, c'est d'avoir notre réseau en propre le plus vite possible.» Histoire de faire baisser le prix de la location versée à Orange, qui avait été estimée à 1 milliard d'euros. Un chiffre boosté par la rumeur à 1,5 milliard…

Paru dans Libération du 21 janvier 2012

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