Free ne veut pas filtrer sans réfléchir

par Astrid GIRARDEAU
publié le 5 novembre 2008 à 12h29

Hier, on présentait le rapport du Forum des droits sur l'Internet pour le filtrage des sites pédo-pornographiques. Si «Les enfants du Net III » (PDF) est présenté comme une recommandation sur les conditions nécessaires à la mise en place d'un tel système, elle conclue néanmoins sur la demande aux fournisseurs d'accès Internet (FAI) français pour la mise en place dans un délai bref (quatre mois après la publication d'un cahier des charges), du système de filtrage de leur choix.

Le document est le fruit de plusieurs mois de travail d'un groupe de travail auquel a notamment participé l'association de Fournisseurs d'Accès et de Services Internet (AFA). Pourtant, comme on le relevait hier , cette demande est difficilement compréhensible à la lecture des solutions techniques envisagées. Des solutions (filtrage par DNS, adresse IP ou hybride) dont l'inefficacité et même les risques ont été démontrés par de nombreux experts , et que souligne le document lui-même en évoquant par exemple la particularité de l'infrastructure du réseau français (en comparaison à celui scandinave toujours cité en exemple de faisabilité dans le domaine), ou encore le possible «contournement» des filtres.

«Les réseaux mis en œuvre chez les opérateurs, desservant des millions d'abonnés et hautement critiques pour la sécurité nationale, ne sont pas des laboratoires d'expérimentations pour pouvoirs publics en mal d'effets d'annonce» , a indiqué aujourd'hui Free, qui n'est pas membre de l'AFA, dans les colonnes de PC Inpact . Ces derniers se sont procurés un document dans lequel le fournisseur démonte à son tour une par une les fameuses trois solutions proposées par le rapport du Forum.

«Ce système pourrait être mis en place dès 2009. Cela se fait déjà en Norvège, je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas le cas en France» , déclarait, début septembre, Nadine Morano , secrétaire d'État à la famille. «Il est regrettable qu'aucune étude d'impact n'ait été faite sur la base des réseaux mis en œuvre en France, pour déterminer si l'expérience scandinave est transposable ici en terme de volumétrie de trafic et de coûts» , lui répond le fournisseur d'accès Internet français.

Tout comme ce qui est en train de se passer avec le projet de loi Création et Internet, on semble assister de nouveau à un dialogue de sourds. Le gouvernement a décidé que c'était possible, les experts ont expliqué le contraire, et le Forum des droits sur l'Internet, coincé entre les deux, de dire: «on ne peut pas vraiment, mais voilà comment faire» .

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