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Libération

Free : maxi combine pour mini TVA

par Camille Gévaudan
publié le 27 décembre 2010 à 19h26

Pris dans l'élan de sa nouvelle communication tapageuse, Free n'arrête plus les provocations. Son premier coup a été porté à l'Hadopi, au mois d'octobre , en refusant d'envoyer les premiers e-mails d'avertissements aux internautes faute de décret l'y obligeant. Le deuxième a visé la taxe copie privée, dont le barème comporte une petite faille que l'opérateur s'est empressé d'exploiter pour réclamer l'exonération de sa nouvelle Freebox. Et le fournisseur d'accès s'attaque désormais à «l'uniformisation de la TVA» sur les forfaits triple-play, qui devrait se traduire par une augmentation de quelques euros sur les factures au 1e février 2011.

«Free prépare en catimini une riposte originale : la facture saucissonnée» , annonce le Parisien dans son édition du jour. ZDNet en expliquait le principe la semaine dernière : «l'opérateur envisagerait de dissocier à parts égales sur la facture de l'abonné les trois services qui constituent le triple play.» Au lieu des 29,90 € mensuels, l'opérateur présenterait une facture avec trois sous-totaux d'un montant de 9 € environ : un pour Internet, un pour la téléphonie et un pour la télé. «Cette astuce permettrait alors d'appliquer la TVA globale à 19,6% seulement sur les 9 euros de la télévision et non sur la base totale (environ 30 euros) comme chez les concurrents.» C'est en effet l'accès à la télévision qui est visé par l'augmentation de la TVA dans les abonnements Internet fixes et mobiles : jusqu'alors, les opérateurs français bénéficiaient d'une réduction de taxe pour ce service en compensation de leur soutien à l'audiovisuel français, via une participation au compte de soutien du CNC (Cosip). Mais Bruxelles a réclamé la fin de cette spécificité hexagonale, qui contredisait une directive européenne .

«Au lieu de 2 € environ de hausse, l'abonné ne paierait que 0,70 € de plus par mois , calcule le Parisien . Un bon coup de pub, mais un vrai manque à gagner pour le fisc, qui ne devrait pas manquer de réagir. » La réponse du ministère du budget ne s'est pas fait attendre, en effet : «Free ne peut pas s'exonérer du respect de la loi» , selon les propos rapportés par le Figaro . Des sources proches de la ministre de l'Economie, Christine Lagarde, précisent que «lorsque Free facture une offre composite à 29,90 euros par mois, cette offre ne pourra plus être soumise au taux réduit même s'il existe des modalités spécifiques de facturation (par exemple en distinguant artificiellement le coût de chaque prestation)» . Autrement dit, ce n'est pas parce que Free divise sa facture en trois qu'il aura le droit de faire de même avec la TVA : la directive européenne sur le régime applicable aux «services fournis par voie électronique» stipule clairement qu'on ne peut appliquer différents taux que lorsqu'on fournit différentes prestations, bien «distinctes» . Si Free compte réellement faire valoir l'astuce de la triple facture, il devra prouver que ses services sont effectivement distincts.

On attend également de vifs retours dans l'audiovisuel, car la participation de Free au Cosip pourrait être sérieusement écornée dans la combine. «La contribution au COSIP calculée sur la partie télévision pourrait alors baisser de moitié puisqu'au départ, le service TV représentait 60% de la facture triple play chez Free» , explique ZDNet. Une contribution calculée sur les seuls 33% de la facture «saucissonnée» permettrait à Free de faire des économies considérables, mais le geste est risqué.

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