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Libération

Frictions et extensions entre Google et Amazon

par Sophian Fanen
publié le 14 juin 2012 à 17h26

Après l'annonce des 1930 dossiers déclarés éligibles par l'Icann hier, vient le temps de l'analyse en détail des extensions personnalisées demandées et des sociétés candidates.

Il y a très peu de surprises et encore moins de rigolade dans cette longue liste . Airbus a demandé .airbus, la BBC a demandé .BBC, la Fédération nationale de la mutualité française a demandé .mutuelle et VeriSign, qui gère déjà le .com, a demandé ses équivalents dans toutes les alphabets disponibles (russe, mandarin, japonais...). Par contre, personne n'a demandé .facebook ou .twitter, même pas les deux entreprises qui visiblement n'y voient aucun intérêt...

À part peut-on se mettre sous la dent un .catholic demandé par le Pontificium Consilium de Comunicationibus Socialibus (une structure du Vatican ), un .bond demandé par l'université australienne de Bond, située au sud de Brisbane, et un .lol demandé entre autres par Google, qui a passé toutes ses demandes sous le nom Charleston Road Registry Inc (l'adresse du campus de Google à Mountain View). Alors oui, il y a bien un .pizza, mais pas de .sushi ni de .cassoulet, et personne pour demander le pourtant épique .godwin ou un .tropnenfaut. Déçus nous sommes, et nous étudions l'opportunité de lancer un Kickstarter pour acquérir les droits de gestion de l'un de ces domaines.

Il faut dire que ça douille sérieux: 185000 dollars (147 615 euros) juste pour voir son dossier étudié par l'Icann, puis 25000 de plus par an pour conserver la gestion du domaine (qui sinon sera reproposé à qui veut/peut), sans parler des frais de gestion technique, puisque les élus seront entièrement responsables de la bonne tenue technique de leur .quelquechose sur le réseau. On va donc réfléchir à deux fois avant de candidater au .trololo.

Ce qui ressort des 1930 demandes, c'est surtout une opposition frontale entre Amazon et Google, qui ont chacun multiplié les demandes. Amazon fait plutôt dans la cohérence en demandant .book, .cloud (en compétition avec Symantec), .box, .drive, .game et .music (on sait Amazon agressif dans ce domaine, notamment depuis que des accords avec les quatre majors du disque semblent proches d'aboutir) et .video (idem, la vidéo à la demande est un chantier majeur à venir pour le site)... S'y ajoutent des .coupon ou .deal, mais on reste dans le commerce en ligne.

Google, par contre, tire dans tous les sens. Il y a des demandes attendues (.google, .gmail, .android...), des facilement compréhensibles (.ads, .web, .film ou .music, même si Google Music est le four que l'on sait), puis une tripotée d'autres sur lesquelles on s'interroge encore: .dad, .dog, .family, .plus, .prof, .phd, meme., .lol, .day, .love, .rsvp, .vip, .eat, .soy (soja??) et .boo (?????).

Google a réservé «.boo». Mais lequel d'entre eux ?

Comme nous l'expliquions hier, il peut y avoir des choix techniques derrière ces demandes: Google ou Amazon dépendent aujourd'hui de VeriSign, qui gère le .com ou le .net, ce qui complique par exemple le filtrage des spams, la surveillance des opérations de phishing ou tout simplement des développements. Posséder son propre domaine sera plus simple et permettra aux entreprises qui seront sélectionnées (via un arbitrage technique de l'Icann, puis si besoin une priorité donnée aux dossiers «les plus communautaires» , et en dernier recours une enchère) de maîtriser davantage leur environnement en ligne.

Il y a aussi des raisons marketing sur lesquelles il faudra convaincre les internautes, qui ne regardent plus vraiment les URLs et se contentent soit de taper le nom de ce qu'ils cherchent dans la barre de navigation de Firefox ou de Chrome, soit de passer par la recherche de Google. Bref, toute cette réforme des extensions pourrait bien tomber à plat.

Mais chaque gestionnaire d'extension pourra en faire ce qu'il veut, la garder pour lui seul ou la mettre en location (exclusive ou partagée). Google et Amazon ont peut-être décidé de se lancer dans le business du nom de domaine... On peut imaginer la mise à disposition, payante ou gratuite, du .music pour des pages artiste (sur Google+?), de pages en .film permettant de retrouver non seulement le film en VOD mais aussi du contenu exclusif, un making of, etc. Tout ça ferait du trafic en masse, et donc des pubs en plus. Et puis on n'en peut plus d'attendre des Recettes.soja, avec plein de bons plans à base de soja! On va se marrer (ou pas).

En attendant, l'Icann a du boulot pour déterminer à qui seront attribuées certaines extensions très demandées. Google et Amazon, de loin les plus actifs sur ce marché, se battent par exemple pour .buy, .drive, .shop, .store, .free, .game, .play, .movie, .show, .mail, .map, .spot, .talk, .wow, .you et .cloud. Et ils ne sont souvent pas les deux seuls entreprises sur ces dossiers.

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