Gainsbourg, graff et épigraphes

Une animation réunit les graffitis et les hommages inscrits par les fans ces cinq dernières années sur la façade du domicile parisien du chanteur.
par Astrid GIRARDEAU
publié le 2 novembre 2009 à 16h51
(mis à jour le 8 novembre 2009 à 13h23)

Au cœur de Saint-Germain-des-Prés, le 5 bis rue de Verneuil est un lieu, une adresse à part. Ancienne demeure de Serge Gainsbourg, sa façade est recouverte d’inscriptions, de traces laissées en hommage par des admirateurs de passage ou des fans en pèlerinage. Au fil des années, des strates de tags, de graffitis, de pochoirs, de stickers et d’affiches se sont accumulées, les unes par-dessus les autres, sur le mur.

Une évolution qu'Arnaud Jourdain, graphiste freelance, a suivie pendant cinq ans, et retranscrite dans 5 bis rue de Verneuil . Sur un remix de la Ballade de Melody Nelson (1), l'animation est un «voyage dans le temps» , et en 3D, de l'histoire du mur. Cela rappelle le projet Graffiti Archaeology de Cassidy Curtis, qui explore l'histoire du graffiti par la juxtaposition de photos d'un même mur, prises à différents moments.

Le projet a démarré un peu par hasard. «Habitant pas loin, j'ai commencé à photographier régulièrement le mur, comme ça , raconte t-il. Un jour, je me suis demandé si ça rendrait quelque chose de superposer les images. Alors je m'y suis mis, petit à petit» . Un labeur minutieux qui lui a pris un mois à plein temps: superposition des prises, harmonisation (couleurs, éclairage), animation, montage, 3D, etc. Sans oublier le gommage des voitures, car, jusqu'à récemment le stationnement devant l'hôtel particulier était autorisé. «Il a fallu les effacer une par une, ça a failli me rendre fou !» .

Le processus est toujours en cours ; la vidéo actuellement visible sur Internet est une étape d'avancement. Dont il a l'autocritique aisée : «le rythme n'est pas bon, il manque un fil conducteur» . Une dizaine de «générations de recouvrement» sur la quarantaine photographiée attend d'être traitée. «Par "génération", j'entends chaque fois que le mur a vraiment changé de visage» , explique Arnaud Jourdain.

Et ensuite ? Car, à moins d'un fait malheureux (interdiction de graffiti, destruction du mur, etc.), le projet est par essence illimité. «Je ne peux pas mettre le mot "fin" dessus , confie-t-il. J'arrêterai peut-être à l'occasion du film.» Comprendre Gainsbourg, vie héroïque , le biopic que prépare le dessinateur Joann Sfar que l'on croise d'ailleurs dans la vidéo en train de croquer sur une surface vierge. Pour les besoins du tournage, le mur a en effet été maquillé, recouvert de papier collant.

Pour son auteur, 5 bis rue de Verneuil permet aussi de montrer des adjonctions particulièrement éphémères: «Beaucoup de très beaux papiers collés sont tout de suite arrachés. Au final, ils ne sont là qu'un jour, ou qu'une nuit.» Aussi, il espère, si un jour musée il y a, que son travail soit utilisé comme témoignage de l'histoire du mur.

(1) Il s'agit d' Hotel particulier par Stratus dans l'album I Love Serge: Electronic Againsbourg

Paru dans Libération du 31 octobre 2009

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