Gamification générale

par Olivier Seguret
publié le 16 janvier 2012 à 0h00

Oui, le terme est affreusement moche, mais le concept, lui, reste passionnant : la «gamification» est une tendance très lourde du monde moderne et elle concerne à peu près toutes les activités sociales. Le travail, le business, la culture, la sexualité, la cuisine, l’éducation, le tourisme et tout ce qu’on voudra sont des domaines susceptibles de passer un jour à la moulinette de ce barbarisme. Mais au fait, kézaco ? La gamification (ou «ludification» pour les militants de la francophonie) désigne le transfert des mécaniques du jeu dans d’autres domaines, afin de les rendre plus accessibles, amusants, accrocheurs et d’en augmenter ainsi l’efficacité.

Au pays du capitalisme toujours renouvelé, les Etats-Unis, c'est le nouveau mantra du milieu des affaires, qui en a fait le vecteur moderne d'innombrables stratégies marketing. Le magazine Fortune, qui est un peu le petit livre rouge des décideurs planétaires, a récemment placé la gamification en tête des techniques les plus fructueuses pour tous les dirigeants en quête de profit. «Les entreprises s'aperçoivent qu'il s'agit d'une méthode efficace pour faire des affaires», conclut le magazine, après avoir relevé que de nombreux experts la jugent comme la plus importante technologie récemment mise au service de l'industrie. Grimper des niveaux, gagner des points, débloquer des récompenses, créer des avatars de soi-même, etc. sont quelques-uns de ces exemples par lesquels une certaine culture du jeu a infusé les pratiques commerciales. Les programmes de fidélité des compagnies aériennes, avec leurs «miles» cumulés, sont parfois désignés comme un ancêtre de la gamification. La mise à disposition par le Louvre de consoles Nintendo 3DS pour guider les visiteurs en forme l'une des plus récentes occurrences, tout comme le déluge de télés «intelligentes» présentées au tout frais Consumer Electronique Show de Las Vegas, avec leurs commandes par la voix, le geste ou même la pensée, dans un évident prolongement de la grammaire inventée par le Kinect de Microsoft.

La meilleure théoricienne du phénomène est certainement l'Américaine Jane McGonigal dont l'ouvrage Reality Is Broken ouvre le concept de gamification très au-delà d'une déprimante (et peut-être passagère) mode commerciale. Les réseaux sociaux du futur, l'éducation, peut-être même la science devraient eux aussi bientôt profiter de l'air frais que pourrait apporter une gamification bienveillante. Mais il faudra souquer habilement entre les écueils de l'infantilisme et du nouveau conformisme qui guettent cette tendance. Alors, peut-être, s'accomplira la prophétie de cette chronique qui promettait il y a déjà dix ans un devenir-jeu au monde tout entier…

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