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Libération
Critique

«Gen’ Kill», Bagdad cassé

Une minisérie sur les ratés de l’invasion de l’Irak.
par Bruno Icher
publié le 17 novembre 2008 à 6h52

Les premières heures de l'invasion de l'Irak par les troupes américaines furent le théâtre, comme toutes les guerres, de sanglantes erreurs, d'actes de bravoure proches du suicide et de misérables plantages. Un reporter de Rolling Stone, Evan Wright, a raconté ce mélange de peur, de mort, de plaisanteries grasses, de courage et d'inconscience qui ne peut exister que dans l'intimité d'un groupe de soldats. Il a été embedded dans un bataillon de reconnaissance de marines pendant les deux mois de l'offensive. Il a décrit froidement le matériel défectueux, la bêtise épaisse de quelques officiers, le lyrisme meurtrier du commandement, les balles perdues et l'ivresse du sang qui coule.

David Simon et Ed Burns, les deux compères auteurs de The Wire, ont fait une adaptation austère et d'une rare intelligence du témoignage de Wright. En sept épisodes, Gen' Kill accueille le spectateur sans lui faire de cadeau. Hermétique et dénuée de charme, ponctuée par la beauferie, l'homophobie et le racisme de la plupart des soldats ou la naïveté presque romantique des autres, la série ne se livre qu'après une longue période durant laquelle le spectateur aura dû s'adapter. Comprendre les codes, connaître ces gamins surarmés, certains à la limite de la psychiatrie, d'autres juste paumés dans ce conflit. Et quand les balles sifflent au ras des casques et qu'il faut choisir ses cibles, le spectateur n'en est plus un. Il fait partie de cette famille monstrueuse, née pour tuer, et le dégoût de la guerre en général et de celle-ci en particulier n'a jamais eu l'intensité de cette amertume.

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